LIVRE

FORMATRICE DE « CHOCS ». Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, dit-on. Margalit Cohen-Emerique en administre une magistrale démonstration dans ce livre-bilan, limpide et passionnant. La chercheuse et formatrice y retrace le cheminement d’une vie de réflexion – et d’action – consacrée à décrypter les difficultés des travailleurs sociaux qui interviennent auprès de migrants et à élaborer une méthode visant à les surmonter. Tout est parti d’un constat d’échec. Margalit Cohen-Emerique, qui, dès le début des années 1970, avait commencé à dispenser aux professionnels des savoirs sur les spécificités culturelles des usagers immigrés, sur leurs crises identitaires liées au déracinement et leur processus d’adaptation à la société d’accueil, a dû se rendre à l’évidence : à lui seul, un tel apport de connaissances n’était pas suffisant. D’autres mécanismes que l’ignorance sont en jeu dans les interactions des professionnels avec les publics migrants, qui sont source d’incompréhensions et affectent leur action. Lesquels ? « Il était nécessaire de s’intéresser aussi aux intervenants sociaux pour trouver des réponses » à ces questions, explique Margalit Cohen-Emerique. C’est ainsi que, de stage en stage, elle a construit et expérimenté une conception originale de la formation. Au cœur de celle-ci, la méthode des « chocs culturels » ou « incidents critiques » – « “critiques” car révélateurs “de ce que je suis” », précise l’auteure. Il s’agit de demander aux stagiaires de relater une situation professionnelle qui les a confrontés à des demandes ou conduites qu’ils n’ont pas comprises ou tolérées et/ou qui leur posent un problème d’évaluation. Première étape de la démarche d’approche interculturelle développée par la chercheuse, ce temps de prise de conscience de son cadre de référence se poursuit par la découverte de celui de l’autre, puis par une négociation-médiation pour essayer de trouver un terrain d’entente qui soit à la fois respectueux des valeurs de son interlocuteur et de celles de l’action sociale.