« Remettre à plat » la conception et l’organisation des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). C’est ce que réclament la CGT-PJJ et la CGT pénitentiaire après la prise en otage, pendant plus de deux heures, le 12 avril, d’une éducatrice par un détenu de 16 ans à l’EPM de Meyzieu (Rhône). Un grave incident qui, selon les syndicats, ne peut plus laisser sans réponse leurs revendications. « Nous constatons depuis des mois la dégradation des conditions de travail et de détention et le refus de l’administration de la prendre en compte », alerte la CGT-PJJ, qui appelait à un mouvement de grève dans la semaine du 18 avril dans l’ensemble des six EPM. Dans les établissements de Meyzieu et de Lavaur (Tarn), dans lesquels la mobilisation a démarré, les syndicats ont fait part de nombreux incidents et tensions depuis plusieurs mois.
La CGT-PJJ, qui revendique la reconnaissance de la pénibilité du travail dans ces structures, avance aussi des problèmes de fond dans leur fonctionnement. Dans un courrier adressé au garde des Sceaux et à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse le 12 avril, l’organisation demande la « définition du statut des SE (services éducatifs)-EPM » et des missions des personnels. « Nous attendons une définition claire de ce que sont les priorités professionnelles d’un éducateur en EPM, alors que l’accent mis sur les activités occupationnelles signifie moins de temps pour l’entretien individuel, précise Alain Dru, secrétaire général de la CGT-PJJ. Par ailleurs, la nécessité de service est souvent mise en avant pour obliger des éducateurs à revenir “suppléer” les surveillants de l’administration pénitentiaire. » Selon le syndicat, l’organisation des établissements met en tension le rôle de chacun, avec des effets néfastes sur la prise en charge des jeunes, les conditions de travail et la sécurité des personnels.
La CGT-PJJ demande par ailleurs que soit de nouveau mise en place « la formation préalable à la prise de poste », qui a existé pour l’ouverture des premiers EPM. En outre, ajoute Alain Dru, « certains établissements dépassent le nombre de 60 détenus et ne respectent pas l’encellulement individuel, ce qui est contraire aux règles pénitentiaires européennes ». Opposé à ces structures depuis leur conception, au motif que le dispositif « conduit à réduire la mission des personnels de la PJJ à une mission de la gestion de la détention », le Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES)-PJJ-FSU attend également des réponses « immédiates », devant passer par « une réorganisation totale ». Il souhaite notamment la fin du « binôme éducateur-surveillant qui génère confusion et amalgames », ainsi qu’une définition et une délimitation précises des champs d’intervention des personnels de l’administration pénitentiaire et de la PJJ.
Reçue à la direction de la PJJ le 19 avril, avec des représentants de la CFDT-Interco et des agents de l’EPM de Meyzieu, la CGT-PJJ estime ne pas avoir obtenu de réponse à ses préoccupations et a quitté la réunion avant la fin. Le syndicat appelle donc les personnels des EPM à poursuivre et à amplifier leur mobilisation. « La DPJJ nous annonce un cahier des charges des SE-EPM d’ici la fin de l’année… C’était déjà ce qu’on nous avait promis en 2009, commente-t-il.
Il est clair que cette rencontre n’avait pour but que de calmer le jeu avec celles et ceux qui voudraient croire à des promesses non tenues par le passé. »
De son côté, Yves Rousset, sous-directeur des ressources humaines et des relations sociales de la DPJJ, confirme avoir annoncé un cahier des charges sur les établissements pénitentiaires pour mineurs qui serait élaboré en collaboration avec les syndicats de la PJJ et l’administration pénitentiaire, « dont l’objectif sera de clarifier le rôle des différents partenaires et de s’assurer du respect de leurs missions ». La direction de la PJJ a également décidé de demander à toutes les directions interrégionales de mettre en place « sans délai » un dispositif d’accompagnement par l’analyse des pratiques, ajoute-t-il. Le dispositif de formation spécifique qui n’avait pas été maintenu devrait être en quelque sorte relancé, notamment avec « une formation d’adaptation pour tous les agents de la PJJ affectés à la rentrée » et la mise en place d’une formation commune, en cours d’emploi, avec les personnels de l’administration pénitentiaire. « La DPJJ a relayé auprès de l’administration pénitentiaire le besoin d’avoir à Meyzieu et dans tous les EPM un lieu d’accueil pour les familles par les personnels, qui n’a pas été généralisé et fait pourtant partie de la prise en charge éducative », poursuit Yves Rousset. Quant à la question de la surpopulation, qui ne touche selon lui que l’établissement de Marseille, « elle nécessite de travailler avec les magistrats ».
Les solutions annoncées aux syndicats sont, à ses yeux, de nature à répondre aux préoccupations des personnels sur les dysfonctionnements constatés, alors que l’administration pénitentiaire et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse doivent encore se prononcer sur les préconisations du rapport des inspections des services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse sur « l’évaluation de la violence dans les EPM » (voir ce numéro, page 6). Mais la question de la reconnaissance indemnitaire de la pénibilité du travail des éducateurs en établissements pénitentiaires pour mineurs, elle, constitue un véritable point d’achoppement. « Nous avons trouvé au sein de la PJJ un équilibre sur la reconnaissance de la pénibilité dans les différents établissements et services qui nous paraît satisfaisant, tranche le sous-directeur. Accepter la revendication de la CGT, qui souhaite un alignement sur les centres éducatifs fermés, serait créer un désordre conventionnel. » Ce qui bien sûr ne satisfait pas le syndicat, prêt à démontrer, derniers incidents à l’appui, les conséquences du travail éducatif en EPM sur la vie professionnelle et personnelle des équipes.