Jean-Michel Costes n’a pas, début avril, été reconduit dans ses fonctions à la tête de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Depuis 15 ans, il dirigeait cet organisme public, créé en 1993 et chargé de collecter et d’analyser les données épidémiologiques sur les drogues, l’alcool et le tabac. Sa non-reconduction a provoqué un tollé de la part d’associations (la Fédération Addiction, la Fédération française d’addictologie, Act Up-Paris), de personnalités politiques et de scientifiques, qui dénoncent une éviction pour des raisons idéologiques. Ils estiment que l’ancien directeur fait les frais de désaccords avec Etienne Apaire, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT). Cette dernière coordonne les actions gouvernementales en matière de prévention et de lutte contre les addictions et finance l’OFDT.
Selon les associations, depuis l’arrivée d’Etienne Apaire en 2007 à la tête de la MILDT, l’indépendance de l’OFDT est remise en cause. Jean-Michel Costes lui-même parle « de pressions de plus en plus fortes sur l’autonomie de l’établissement » et de « restrictions des communications ». Le dernier conflit date de l’expertise collective sur la réduction des risques réalisée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, à laquelle l’OFDT a participé, qui plaidait en faveur des centres d’injection supervisés (1). « Etienne Apaire était contre ; lors d’une audition à l’Assemblée nationale, il a clairement dit tout le mal qu’il pensait de ces centres », explique Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération Addiction. Cette décision témoigne de la volonté de la MILDT « d’instrumentaliser la recherche sur les drogues pour soutenir la politique du tout répressif », s’indigne le Réseau français de réduction des risques. De son côté, le président de la MILDT assure que le départ de Jean-Michel Costes relève « plus d’un problème de management dans la fonction publique que d’une question idéologique ». Interrogé par le quotidien en ligne Rue89, il indique que « l’Observatoire des drogues n’est pas indépendant » et que « c’est un opérateur de la MILDT ».
Au final, les associations craignent « la perte d’une agence indépendante, qui ne produise plus une expertise scientifique mais travaille sur commande avec des objectifs précis », explique Patrick Fouilland, président de la Fédération française d’addictologie. Dans ce nouveau contexte, la Fédération Addiction demande que les associations soient intégrées au conseil d’administration de l’OFDT pour garantir l’absence d’instrumentalisation des chiffres.