Le 13 avril, la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale a dévoilé le contenu du plan de lutte contre les violences faites aux femmes 2011-2013 (1), qui s’inscrit dans la continuité des précédents « en maintenant sur les questions de violences intrafamiliales, de mariages forcés et de polygamie une vigilance soutenue ». Toutefois, pour la première fois, ce plan vise également à lutter contre la prostitution et la traite des êtres humains, les violences sexistes et sexuelles au travail ainsi que les viols et les agressions sexuelles. L’ensemble des mesures envisagées – qui mobiliseront 31,6 millions d’euros (+ 30 %) – s’articulent autour de trois orientations : « protection, prévention et solidarité ».
Signalons que, le même jour, Roselyne Bachelot a installé la commission nationale contre les violences envers les femmes dans sa nouvelle composition. Selon un décret du 12 avril (2), l’instance, qui compte désormais 29 membres (au lieu de 23), est élargie notamment aux représentants des collectivités territoriales et laisse aussi une place plus importante aux associations œuvrant dans le champ des violences faites aux femmes (11 contre 5 avant).
Le nouveau plan prévoit notamment de mesurer l’impact des dispositions adoptées dans le cadre de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (téléprotection, ordonnance de protection…) (3). Objectif : « examiner les mesures complémentaires, voire correctives, nécessaires pour garantir l’efficience des dispositifs de prévention et de lutte contre les violences au sein du couple. » Autres actions envisagées : renforcer la formation des acteurs luttant contre les violences faites aux femmes, informer les professionnels sanitaires et sociaux, « et notamment les médecins et les sages-femmes, pour accroître leur vigilance vis-à-vis de la violence subie par les femmes », « veiller, via les agences régionales de santé, à l’intégration systématique de problématique des violences dans le plan régional de santé »…
Afin d’assurer une meilleure prise en charge des victimes, des postes de référents – interlocuteurs uniques et de proximité des femmes victimes de violences – devraient être ouverts sur l’ensemble du territoire. Leur montée en charge devait en principe s’achever fin 2010, mais « l’absence de crédits affectés spécifiquement à la mise en œuvre de ce dispositif n’a pas permis d’atteindre cet objectif, a déploré la ministre des Solidarités. Il existe toutefois à ce jour 49 postes de référents désignés ou installés dans 34 départements ». Pour développer et pérenniser le dispositif des référents, Roselyne Bachelot va en particulier mobiliser les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance.
La ministre envisage également de « promouvoir la mise en place d’un accueil de jour par département » . Il s’agit ainsi de « prévenir les situations d’urgence telle l’organisation du départ des femmes victimes sans passage par une structure d’hébergement d’urgence, sans traumatisme supplémentaire pour leurs enfants » et de « les accompagner vers l’autonomie ». Pour la ministre, cet accueil de jour devra être adossé à « une structure pérenne et spécifiquement dédiée à l’accueil des femmes victimes de violences fonctionnant tous les jours de la semaine avec des heures d’ouverture les plus étendues possibles » ou à des « antennes locales d’une ou plusieurs structures existantes (pour couvrir plus largement le département) ». Cet accueil de jour devra intervenir en aval des associations dispensant de l’information sur les droits, dont il constitue un relais, et en amont des structures d’hébergement d’urgence en assurant aux femmes un accompagnement nécessaire pour préparer, éviter ou gérer le départ du domicile.
En 2009, on dénombrait 415 000 et 200 000 femmes victimes de violences physiques et sexuelles, respectivement au sein et hors du ménage. Si la répression de ces faits a été renforcée, « des progrès restent à accomplir, tout particulièrement en termes d’information et de formation sur cette problématique », a reconnu Roselyne Bachelot. Il convient aussi, selon elle, de faire évoluer le cadre juridique afin de mieux prendre en compte les violences subies et les difficultés juridiques auxquelles sont confrontées les victimes. Pour cela, un prochain groupe de travail interministériel examinera notamment la « possibilité pour les victimes […] de bénéficier d’un remboursement intégral par l’assurance maladie des soins dispensés à la suite de ces sévices » ou encore « la possibilité, pour les victimes d’agressions sexuelles, de bénéficier, au même titre que les victimes de viols, de l’aide juridictionnelle sans avoir à justifier de leurs revenus ».
Selon un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme de 2006, la polygamie concernerait 180 000 personnes (adultes et enfants compris). Afin d’aider les femmes « décohabitantes » à gagner leur autonomie, le gouvernement entend proposer qu’elles soient identifiées « parmi les publics prioritaires pour l’accès à un logement social ». Il envisage aussi d’étudier la possibilité de leur délivrer systématiquement « un titre de séjour avec autorisation d’exercer une activité professionnelle ou d’accéder à une formation professionnelle ». Dans la mesure où le processus de « décohabitation » nécessite des moyens spécifiques, « les conditions de mise en œuvre d’un levier adapté seront étudiées dans le cadre d’un groupe de travail », a indiqué Roselyne Bachelot. Ajoutant qu’« il pourrait prendre la forme d’un contrat, signé avec les femmes en situation de polygamie, [qui] aura vocation à les aider à entreprendre certaines actions en ce sens. En contrepartie d’engagements de la femme (ouverture d’un compte bancaire personnel…), un certain nombre d’aides définies en fonction de la situation de l’intéressée seront proposées : aide à la recherche de logement, formation linguistique, accompagnement personnel pour un accès à la formation professionnelle et à la recherche d’emploi. » Ce contrat pourrait également attester de la séparation et de la situation d’isolement des femmes, ce qui pourrait leur permettre de bénéficier du revenu de solidarité active majoré dès le début du processus de décohabitation.
Afin de soutenir toutes ces actions, la ministre des Solidarités entend recenser les structures et associations investies dans l’accompagnement de la décohabitation et leur « garantir un soutien financier pluriannuel […] via la signature de conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens » .
(1) L’intégralité du plan est disponible sur
(2) Décret n° 2011-387 du 12 avril 2011, J.O. du 13-04-11.