Répondant à une requête de la Cimade et du GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), le Conseil d’Etat a, dans un arrêt du 7 avril, censuré plusieurs dispositions de la circulaire interministérielle du 3 novembre 2009 relative à l’allocation temporaire d’attente (ATA) (1). Une aide qui, pour mémoire, trouve son origine dans la directive européenne du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile, qui demande aux Etats membres de garantir un niveau de vie assurant la santé et la subsistance des demandeurs d’asile pendant l’examen de leur requête.
Le Conseil d’Etat a, en premier lieu, jugé recevable le recours formé par les deux associations. Le ministère de l’Immigration soutenait pourtant que la requête était trop tardive, au motif qu’elle a été enregistrée plus de deux mois après la date de mise en ligne de la circulaire sur le site Internet
S’agissant par ailleurs de la légalité du texte incriminé, les sages ont donc donné partiellement raison à la Cimade et au GISTI en en annulant plusieurs dispositions. D’abord, ils ont censuré le point du texte qui indiquait que le demandeur d’asile à qui une plateforme d’accueil habilitée a fixé un rendez-vous est, s’il ne s’y présente pas, réputé avoir refusé tout hébergement. Le Conseil d’Etat considère en effet que, en édictant une telle présomption de refus, sans prévoir au demeurant la prise en compte de circonstances particulières, les auteurs de la circulaire ont excédé leurs pouvoirs.
Les associations requérantes faisaient également grief à la circulaire d’écarter – à tort – du bénéfice de l’aide les demandeurs d’asile sollicitant le réexamen de leur demande au nom de l’article L. 5423-9 du code du travail. En clair, le texte incriminé prévoyait que le droit à l’ATA ne pouvait être ouvert qu’une seule fois. Ce faisant, pour le Conseil d’Etat, les auteurs de la circulaire ont fait « une inexacte interprétation des dispositions législatives et réglementaires qu’ils entendaient expliciter ».
Autre disposition annulée : l’exclusion du bénéfice de l’ATA des étrangers qui constituent une menace pour l’ordre public ou dont la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d’asile. Pour la Haute Juridiction, il ressort de la combinaison de plusieurs articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que, si ces étrangers « peuvent se voir refuser l’admission au séjour et, par suite, la délivrance du document provisoire de séjour à laquelle est en principe subordonné le dépôt d’une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, ils peuvent toutefois saisir l’office de leur demande et bénéficient du droit de se maintenir en France jusqu’à la notification de sa décision ». Ils ont donc droit, jusqu’à cette notification, à bénéficier – entre autres – de l’ATA. Certes, dans le même temps, l’article L. 5423-8 du code du travail réserve l’attribution de l’allocation aux étrangers dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu’ils ont sollicité l’asile en France. Mais pour le Conseil d’Etat, « à la lumière de la directive européenne du 27 janvier 2003 », cet article n’a pas pour objet d’exiger un titre de séjour ou le récépissé d’un tel titre pour les demandeurs d’asile entrant dans les trois catégories précitées. La directive de 2003, expliquent les sages, permet simplement d’exclure de l’octroi de l’ATA les cas de « fraude tendant à obtenir le bénéfice des conditions matérielles d’accueil au moyen de la dissimulation des ressources financières » (et non pas les hypothèses de demande d’asile frauduleuse ou abusive).
Signalons enfin que les associations requérantes soutenaient encore que, en excluant du bénéfice de l’ATA les personnes faisant l’objet, en application du règlement européen n° 343-2003 du 18 février 2003, d’une procédure de prise en charge par un autre Etat membre, la circulaire attaquée donnait de la même façon une interprétation des dispositions législatives incompatible avec les objectifs de la directive de 2003. Mais la Haute Juridiction a préféré renvoyer cette question devant la Cour de justice de l’Union européenne.