Sans attendre l’écriture d’un code pénal de la Justice des mineurs, le garde des Sceaux a introduit dans le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, présenté en conseil des ministres le 13 avril (voir ce numéro, page 6), des dispositions censées « permettre un traitement plus rapide et plus adapté à l’évolution de la délinquance des mineurs ». Ces dispositions, qui suscitent l’inquiétude des professionnels (voir ce numéro, page 25) seront examinées par le Sénat à partir du 17 mai, selon une procédure accélérée.
Afin de répondre au plus vite aux faits de délinquance commis par des mineurs, le projet de loi prévoit de simplifier certaines procédures, par exemple en créant un « dossier unique de personnalité ». Placé sous le contrôle du procureur de la République et du juge des enfants, celui-ci regroupera l’ensemble des éléments relatifs à la personnalité du mineur ainsi qu’à sa situation sociale et familiale, recueillis dans le cadre des procédures pénales et d’assistance éducative. Cette mesure devrait garantir « un même niveau d’information aux différents intervenants à la procédure (juge d’instruction, juge des enfants, éducateurs…) », explique la chancellerie, et assurer « une connaissance complète et réactualisée du mineur délinquant pour un meilleur suivi de sa prise en charge éducative et une meilleure cohérence des décisions le concernant ». Toutefois, ce dossier ne pourra être utilisé que dans les procédures suivies devant les juridictions pour mineurs.
En outre, le texte permet au procureur de la République de traduire directement certains mineurs devant la juridiction de jugement. Ainsi, il pourra citer à comparaître devant le tribunal pour enfants soit un mineur âgé d’au moins 13 ans lorsqu’il lui est reproché d’avoir commis un délit puni de cinq ans d’emprisonnement, soit un mineur d’au moins 16 ans ayant commis un délit puni de trois ans d’emprisonnement (1). Cette convocation ne sera possible que si une enquête sur les faits n’est pas nécessaire et si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies à l’occasion de la procédure en cours ou d’une procédure antérieure de moins de un an. D’après le projet de loi, l’audience devra se tenir dans un délai qui ne pourra être inférieur à dix jours et supérieur à deux mois.
Signalons que, lorsque les parents ou les représentants légaux du mineur poursuivi ne répondront pas à une convocation à comparaître devant un magistrat ou une juridiction pour mineurs, ces derniers pourront, d’office ou sur réquisition du ministère public, ordonner qu’ils soient immédiatement amenés par la force publique pour être entendus.
Le projet de loi prévoit aussi d’élargir la palette des réponses pénales afin de pouvoir adapter la sanction et de la rendre plus effective. Par exemple, en matière correctionnelle, les conditions de placement sous contrôle judiciaire des mineurs de moins de 16 ans seront élargies. Ils pourront en faire l’objet si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans pour un délit de violences volontaires, d’agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences. Une mesure qui permettra de placer ces jeunes dans un centre éducatif fermé (CEF) afin d’éviter une éventuelle récidive, indique l’exposé des motifs du projet de loi. D’ailleurs, leur placement en CEF pourra aussi être ordonné lorsque le non-respect des obligations prévues en matière de sursis avec mise à l’épreuve entraîne la révocation du sursis et la mise à exécution de la peine d’emprisonnement.
Autre nouveauté : le projet de texte indique que les mineurs âgés de 13 à 18 ans pourront être assignés à résidence avec surveillance électronique dès lors qu’ils seront placés sous contrôle judiciaire. S’ils se soustraient à cette mesure ou aux obligations du contrôle judiciaire, ils pourront faire l’objet, sous certaines conditions, d’un mandat d’amener ou d’arrêt, d’un placement en détention provisoire ou bien voir leur contrôle judiciaire révoqué.
« Face aux mineurs les plus âgés et qui ont déjà été condamnés, une réponse pénale plus solennelle, de nature à prévenir la répétition des infractions, doit être apportée », estime le garde des Sceaux. Aussi le projet de loi crée-t-il un tribunal correctionnel pour mineurs afin de juger les mineurs récidivistes de plus de 16 ans qui encourent une peine d’emprisonnement supérieure à trois ans (2). Toutefois, avant toute décision, le service de la protection judiciaire de la jeunesse devra être consulté. Le tribunal correctionnel pour mineurs pourra alors prononcer des mesures éducatives et, si celles-ci ne lui paraissent pas suffisantes, des sanctions éducatives ou des peines.
(1) La convocation est également notifiée « dans les meilleurs délais », précise le projet de loi, aux parents, au tuteur, à la personne ou au service auquel le mineur est confié.
(2) Cette nouvelle juridiction sera aussi compétente pour connaître des délits et contraventions connexes aux délits reprochés aux mineurs, ainsi que pour juger les coauteurs ou leurs complices majeurs.