Adoptée définitivement par le Parlement le 12 avril, la loi relative à la garde à vue, qui prévoit notamment le droit pour le mis en cause de se taire et d’être assisté par un avocat pendant toute la durée de la procédure (1), devait entrer en vigueur le 1er juin. Mais finalement, à la suite de quatre arrêts de la Cour de cassation (2), elle est applicable depuis le 15 avril, le jour même de sa parution au Journal officiel (3).
Reprenant la solution retenue par sa chambre criminelle le 19 octobre dernier, la Cour de cassation, statuant le 15 avril en assemblée plénière, a estimé que les règles posées par l’article 63-4 du code de procédure pénale ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui consacre le droit à un procès équitable. S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), en particulier son arrêt « Brusco » du 14 octobre 2010, la Haute Juridiction a en effet considéré que, « pour que le droit à un procès équitable […] soit effectif et concret, il faut, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires ». Mais surtout, cette fois-ci, les magistrats ont jugé que leur décision était d’application immédiate : « les Etats adhérents à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation », a-t-elle rappelé en reprenant, encore une fois, la jurisprudence de la CEDH.
Prenant acte de cette décision, les ministères de la Justice et de l’Intérieur ont aussitôt adressé à leurs services respectifs (magistrats du parquet, services de police et de gendarmerie) des instructions précisant les modalités d’application immédiate de la réforme de la garde à vue. Globalement, cette mise en œuvre précipitée s’est passée sans incident. Toutefois, les bâtonniers de certains barreaux, comme ceux des Deux-Sèvres, de Créteil ou de Vannes, ont appelé les avocats commis d’office à ne pas appliquer le nouveau régime de la garde à vue tant que les conditions de leur intervention n’étaient pas éclaircies. Ils critiquent notamment le niveau de rémunération annoncé par le garde des Sceaux, à savoir : 61 € hors taxe (HT) pour une intervention de l’avocat se limitant à la première demi-heure de la garde à vue (sans changement); 300 € HT pour l’assistance à une garde à vue avec présence aux auditions ; 150 € HT en cas de prolongation de la garde à vue au-delà de 24 heures et pour l’avocat désigné d’office pour assister la victime lors d’une confrontation avec une personne gardée à vue.
(2) Cass. plén., 15 avril 2011, n° 589 à 592, disp. sur
(3) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, J.O. du 15-04-11.