Le programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) pourrait être fortement réduit à partir de 2012 à la suite d’un arrêt rendu le 13 avril par le Tribunal de l’Union européenne (1), décision qui inquiète les associations caritatives (voir ce numéro, page 28). Le Tribunal a en effet condamné les achats supplémentaires de produits alimentaires qui complètent, depuis plusieurs années, les stocks d’intervention publics (surplus agricoles), de plus en plus rares.
Créé en 1987 dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), le PEAD, auquel 19 Etats membres participent, permet la distribution de surplus alimentaires aux citoyens de l’Union en situation de pauvreté via les services sociaux et les associations caritatives. A cet effet, la Commission européenne définit chaque année un nouveau plan de distribution des denrées alimentaires. Mais au fil des années, les plans annuels ont de plus en plus reposé sur des achats de denrées sur le marché, en raison de l’indisponibilité de certains produits. Ainsi, la proportion des denrées alimentaires achetées par rapport au volume total du plan est passée de 18,06 % en 2006 à 86,98 % en 2009. Une tendance critiquée par le Tribunal de l’Union européenne, qui a donc donné raison aux plaignants, à savoir l’Allemagne soutenue par la Suède, selon lesquels le PEAD aurait « perdu tout lien avec la PAC » et serait devenu contraire à l’objectif de stabilisation des marchés consacré dans l’article 39 du traité de Lisbonne. En corollaire, les juges ont annulé partiellement le règlement européen n° 983/2008 du 3 octobre 2008 relatif à l’adoption, pour l’exercice 2009, d’un plan portant attribution aux Etats membres de ressources pour la fourniture de denrées alimentaires provenant des stocks d’intervention au bénéfice des personnes les plus démunies. « Force est de constater que l’objectif principal du plan annuel contenu dans le règlement attaqué n’était pas l’écoulement des stocks d’intervention, mais la couverture des besoins déclarés par les Etats membres participant au plan », a relevé le Tribunal. Qui précise tout de même que « ce n’est pas la légalité du mécanisme même […] qui est mise en question, mais le fait que le plan pour l’exercice 2009 […] repose principalement sur les achats supplémentaires des produits sur le marché ».
L’annulation décidée par la juridiction européenne n’affecte pas les paiements déjà effectués au titre de l’année 2009 et ne devrait pas non plus avoir de conséquences sur les programmes 2010 et 2011, les niveaux des stocks étant encore assez élevés pour couvrir ces deux périodes. Les réductions de crédits pourraient en revanche avoir un impact à partir de 2012. Le ministre français de l’Agriculture, Bruno Le Maire, a demandé à la Commission européenne « d’examiner le plus rapidement possible les suites à donner à cet arrêt, en explorant les voies de droit permettant de conforter ce régime d’aide pour l’avenir ». Rappelons que, le 17 septembre dernier, la Commission européenne a proposé une réforme du programme européen d’aide aux plus démunis prévoyant justement que les produits distribués pourraient être achetés de façon permanente sur le marché (2).
(1) Le Tribunal de l’Union européenne est, avec la Cour de justice et le Tribunal de la fonction publique, l’une des trois juridictions composant la Cour de justice de l’Union européenne.