DERRIÈRE L’ÉMOTION, L’INDIFFÉRENCE. Pour Denis Poizat, maître de conférences en éducation comparée à l’université Lumière-Lyon 2, « l’histoire du handicap convoque sans cesse la réclusion, l’assignation et la stigmatisation ». Mais quelle connaissance a-t-on de cette histoire, quels lieux portent témoignage de l’enfermement de personnes déficientes ? Tressant ses digressions philosophico-littéraires autour de cette interrogation centrale, Denis Poizat s’emploie à ravauder notre « mémoire trouée du handicap » en explorant, notamment, les notions d’asile, de ghetto et de camps. Cependant, cultiver le souvenir de ces espaces de relégation ne signifie pas que l’histoire s’y soit arrêtée. Elle continue à s’écrire, en particulier sous la plume de personnes en situation de handicap qui font partager leur expérience de vie. Tout en saluant de tels écrits qui permettent d’investir partiellement le vécu d’autrui, Denis Poizat dénonce cette littérature comme source d’une « morale de l’émotion » qui aurait totalement subverti le discours politique. Ainsi, certains brandissent un « étendard compassionnel » pour éviter d’aborder frontalement les questions relatives au handicap, comme ces « bateleurs de campagnes présidentielles » dont la main se pose sur l’épaule d’une personne en fauteuil. Mais qui s’en indigne ? Quelles sont les grandes consciences qui s’affrontent aux iniquités dont sont victimes les personnes handicapées ? A de très rares exceptions près, l’engagement des intellectuels dans le domaine du handicap est proche de l’indifférence totale, s’insurge l’auteur.
Le handicap, les lieux, la mémoire – Denis Poizat – Ed. érès – 25 €