Comment garantir la continuité des accompagnements apportés aux personnes âgées dépendantes, handicapées et souffrant de maladies chroniques ? C’est à cette question que propose de répondre l’étude sur la coordination dans le champ sanitaire et médico-social réalisée par le centre de sociologie de l’innovation de l’Ecole des mines de Paris pour la Fondation Paul-Bennetot (1). Ce vaste état des lieux, très descriptif, est instructif à l’heure où se tient le débat sur la dépendance (2) et alors que les agences régionales de santé (ARS), installées depuis un an, sont chargées d’orchestrer l’organisation des services d’aide et de soins sur le terrain.
Réalisé sur la base d’éléments bibliographiques, d’entretiens et d’enquêtes, le rapport estime que le système de prise en charge des personnes en perte d’autonomie est « malade ».
Paradoxalement, la création, depuis 30 ans, de nombreuses structures dédiées à la coordination (réseaux gérontologiques, CLIC, Samsah, MDPH, MAIA [3]…) s’accompagne d’une fragmentation du système, « qui devient de moins en moins lisible pour les usagers ». L’étude pointe plusieurs types de dysfonctionnements : la discontinuité des soins qui conduit à des ruptures de parcours (à l’entrée et à la sortie de l’hôpital par exemple), les chevauchements de compétences qui donnent lieu à des redondances dans l’évaluation notamment, les prises en charge inadaptées (trop longues, trop segmentées) et les disparités territoriales. Alors que ces problèmes sont connus, les politiques publiques n’ont toujours pas réussi à les résorber. Ce qui s’explique en partie par le fait que les pouvoirs publics tirent peu d’enseignements des expériences réalisées.
De fait, les structures dédiées à la coordination sont souvent le fruit d’expérimentations menées par les acteurs de terrain (associations de familles et professionnels militants). Ainsi, l’Association des paralysés de France est bien connue pour ses nombreux Samsah. Mais les expérimentations ont souvent du mal à se maintenir dans la durée, regrette l’étude, car « le cadre juridique nécessaire à l’établissement du financement pérenne n’existe pas encore ou est très restrictif ». Résultat, de nombreuses structures qui atteignent un rythme de croisière en termes de volume d’activité et de reconnaissance sur le territoire ont un financement incertain et peu de visibilité sur l’avenir.
Autre point faible : elles manquent de coordination entre elles lorsqu’elles coexistent sur un même territoire. Leurs interventions peuvent alors se superposer, « ce qui peut engendrer de la coopération comme de la concurrence ». Ainsi, le rapport estime souhaitable que les acteurs définissent ensemble leurs frontières géographiques et les zones de compétences de leurs services. Les ARS sont également chargées d’assurer, en lien avec les conseils généraux, cette coordination au plan régional.
Le rapport propose que les maisons départementales des personnes handicapées et les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (4) jouent à l’avenir le rôle de « méta-réseaux », c’est-à-dire coordonnent les structures de coordination sur un territoire. Certains départements expérimentent déjà des « méta-réseaux » destinés à la prise en charge des personnes âgées et handicapées. Ainsi dans l’Indre, la Maison départementale de la solidarité réunit la MDPH, le CLIC et les services du conseil général. Dans l’Isère, la Maison départementale de l’autonomie regroupe, quant à elle, tous les services départementaux chargés de l’attribution et du paiement des aides et prestations inscrites dans les plans de compensation de la perte d’autonomie. Enfin, de nouveaux professionnels spécialistes de la coordination voient le jour : « les gestionnaires de cas ». Chargés de coordonner les soins et les services d’une personne « en situation complexe », ils existent depuis les années 1980 à l’étranger, et sont apparus en France avec la création des MAIA. Une cinquantaine de gestionnaires de cas sont actuellement en poste et ils ont déjà constitué leur association.
La question du financement de ces intervenants et de la coordination en général est particulièrement complexe du fait de l’existence de multiples financeurs. Le rapport propose d’établir un « compte consolidé de la coordination », qui rassemblerait les budgets correspondant aux activités de coordination de chacun des dispositifs (CLIC, réseaux, équipes mobiles, services de soins infirmiers à domicile, centres communaux d’action sociale, MDPH…). Au-delà de cet aspect technique, la question du financement de la coordination des « situations complexes » s’inscrit dans les débats en cours sur la dépendance : est-ce à la solidarité nationale de payer ? Aux assurances ? A la famille ?
Ce rapport est rendu public en même temps qu’une note préparée dans le cadre de l’un des groupes de travail du débat national sur la dépendance, partiellement consacrée à la question des coordinations et de la gouvernance. Elle pointe notamment « la nécessité de clarifier les financements et le pilotage des dispositifs de coordination » (5).
(1) La Fondation Paul-Bennetot est un organisme à but non lucratif dont la vocation est de valoriser et de diffuser les pratiques novatrices au sein du mouvement mutualiste. L’étude est disponible sur demande via le site de la fondation :
(2) L’un des quatre groupes de travail lancés par le ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale, porte sur « l’accueil et l’accompagnement des personnes âgées ».
(3) Respectivement les centres locaux d’information et de coordination gérontologique, les services d’accompagnement médico-social pour les adultes handicapés, les maisons départementales des personnes handicapées et les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer.
(4) 15 MAIA existent actuellement à titre expérimental. A terme, la CNSA prévoit 400 à 600 MAIA sur l’ensemble du territoire – Voir ASH n° 2697 du 18-02-11, p. 25.
(5) La note est disponible sur le site du débat national sur la dépendance :