A une semaine de l’entrée en vigueur de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public – prévue le 11 avril prochain –, une circulaire du ministère de l’Intérieur indique aux forces de sécurité intérieure la conduite à tenir dans l’hypothèse où elles seraient confrontées à une personne tombant sous le coup de la nouvelle interdiction. Qui verbaliser ? Comment contrôler et dans quelles circonstances ?
Claude Guéant commence par compléter les indications données par le Premier ministre le mois dernier (1). Il rappelle ainsi les éléments constitutifs de l’infraction : la notion de dissimulation du visage, les lieux dans lesquels l’interdiction s’applique, le rôle des chefs de service dans les services publics… Aussi et surtout, il présente, à l’attention des forces de l’ordre, une sorte de mode d’emploi des verbalisations. Premier élément à savoir : comme il s’agit d’une contravention, il n’est pas exigé d’intention délictueuse, pas plus qu’il n’est nécessaire d’établir que le contrevenant ou la contrevenante avait l’intention de ne pas être identifié.
Deuxième point, très important : les forces de sécurité intérieure n’ont pas le pouvoir de faire ôter à la personne concernée le vêtement qui dissimule son visage.
Concrètement, lors de sa verbalisation, les forces de l’ordre devront inviter la personne à montrer son visage afin de contrôler son identité au regard du titre présenté (carte d’identité, passeport, permis de conduire, etc.) et de pouvoir établir un procès-verbal de contravention. L’intéressé devra être en mesure de justifier de son identité par tout moyen, précise le ministre.
Deux situations peuvent alors se présenter. Si la personne se prête sans difficulté à ce contrôle d’identité et se conforme ensuite à la loi en restant à visage découvert, le procès-verbal établi en fera mention. Si, au contraire, la personne refuse le contrôle et si son identité ne peut être établie par un autre moyen, les conséquences de ce refus devront lui être exposées, et notamment la possibilité, si elle persiste, de la conduire dans des locaux de police ou de gendarmerie pour y procéder à une vérification d’identité. Claude Guéant appelle policiers et gendarmes à faire preuve, lors de cette explication, de « persuasion », « de façon à ne recourir à cette faculté qu’en dernier recours ». Face à un refus persistant de l’intéressé et si aucune autre solution n’apparaît possible, les forces de l’ordre pourront alors, après avoir veillé à « apprécier avec discernement le contexte général entourant le déroulement du contrôle », mettre en œuvre la procédure de vérification d’identité prévue par l’article 78-3 du code de procédure pénale (CPP). Une procédure qui leur permet d’inviter la personne concernée à rester sur place le temps nécessaire à l’établissement, par tout moyen, de son identité avant, en cas d’impossibilité, de la conduire dans les locaux de police ou de gendarmerie aux fins de procéder à une vérification de son identité. « Ces deux formes de contrainte sont les seules susceptibles d’être exercées » sur l’intéressé, insiste le ministre de l’Intérieur.
En tout état de cause, pendant cette phase de vérification d’identité, l’officier de police judiciaire doit informer « immédiatement » le contrevenant de son droit de faire aviser le procureur de la République de cette vérification et de prévenir à tout moment sa famille ou toute personne de son choix.
La durée nécessaire pour effectuer ces opérations ne pourra pas excéder quatre heures à compter du contrôle effectué. En dernier recours, et dans l’hypothèse où la personne s’obstine à ne pas vouloir donner son identité, l’officier de police judiciaire devra « prendre attache avec le procureur de la République afin d’établir la conduite à tenir et d’en rendre compte, sans délai, à sa hiérarchie ».
Notons que, dans une autre circulaire parue quelques jours plus tôt, le ministère de la Justice présente lui aussi la nouvelle contravention (2). S’adressant, pour sa part, aux parquets, il rappelle à cette occasion que les opérations de vérification prévue dans le cadre de l’article 78-3 du CPP ne peuvent donner lieu à la prise d’empreintes digitales ou de photographies (3) que si celle-ci constitue l’unique moyen d’établir l’identité de l’intéressé et ce, en cas de refus de justifier de son identité ou lorsque l’intéressé fournit des éléments d’identité manifestement inexacts. Si la personne interpellée refuse de se prêter à ces prises d’empreintes digitales ou de photographies autorisées par les autorités judiciaires, elle commettra alors un délit pouvant justifier son placement en garde à vue.
Disponible dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques », sur
(2) Circulaire n° JUSD1107187C du 11 mars 2011, B.O.M.J.L. n° 2011-03 du 31-03-11.
(3) Avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction.