Le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (1) « manque de maturité nécessaire à une réforme convaincante du régime actuel de prise en charge de la maladie mentale ». Telle est la conclusion à laquelle est parvenue la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) dans un avis adopté le 31 mars (2). « Il semble que la réflexion ne soit pas aboutie, tant sur la question du contrôle de l’autorité judiciaire de la mesure de contrainte que sur celle de la gestion de la contrainte à l’extérieur de l’hôpital psychiatrique, poursuit l’instance. Quant à la question des moyens suffisants dont la psychiatrie devrait être dotée, elle semble absente de la réflexion. » Comme en 2008 où elle s’était prononcée sur la problématique de la maladie mentale et des droits de l’Homme (3), la CNCDH s’est autosaisie et, comme en 2008, elle dénonce une réforme centrée sur « certains patients susceptibles de présenter un danger pour autrui », une formule issue de l’exposé des motifs du projet de loi gouvernemental et qui « ne manque pas d’interroger », souligne la commission.
Rejoignant les craintes des psychiatres et des magistrats (4), la CNCDH critique, en premier lieu, le « séjour obligatoire en établissement » de 72 heures au cours desquelles le patient est en observation et qui, selon elle, « favorise la formule de l’internement ». « En outre, le système d’expertise sur lequel repose tout le jeu des certificats et l’examen par un collège des différentes étapes est jugé par beaucoup insuffisant en effectifs [et] en qualité ». La CNCDH craint « qu’il ne puisse, par manque d’autorité, dégager le sort des malades mentaux de l’amalgame qui conduit à privilégier un point de vue sécuritaire et, pour éviter tout risque, enfermer plutôt que d’organiser les moyens d’accompagnement ».
La commission s’interroge également sur l’impact, en termes de libertés publiques, de la mise en place de soins sans consentement hors hospitalisation. « Qu’impliquent-ils en pratique pour le droit d’aller et de venir, de protection du domicile […], qu’en est-il du libre choix de son médecin, des actes de la vie courante ? Les conséquences d’un refus de se prêter au traitement sont-elles le retour ou l’envoi en établissement ? » Le projet de loi, trop flou, ne répond pas à ces questions. Ce qui fait dire à la CNCDH que « la concertation permettant un véritable consensus dans ce domaine très sensible n’est pas allée assez loin et que la concomitance des réformes et des moyens n’est pas réalisée. Le patient sera plus isolé que jamais dans une société hostile et face à une réforme dont il constituera le cobaye. »
La CNCDH rappelle par ailleurs que, pour se conformer aux exigences du Conseil constitutionnel (5), le projet de loi a été retoqué par le gouvernement avant même son examen au Parlement pour introduire un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention au bout de 15 jours d’hospitalisation sans consentement, puis avant l’expiration d’un délai de six mois. Pour l’instance, le délai de 15 jours « peut sembler particulièrement étendu » si on le compare au délai de 48 heures retenu dans plusieurs autres domaines de privation de liberté à la suite de l’intervention du Conseil constitutionnel. Au final, la CNCDH « se demande si la réforme n’est pas restée au milieu du gué et s’il n’aurait pas été plus opportun de faire intervenir le contrôle du juge dès la décision initiale d’hospitalisation et non pas simplement a posteriori ». Elle trouve par ailleurs « étonnant que le contrôle du juge ne porte pas sur les soins sans consentement lorsqu’ils sont prescrits en ambulatoire ».
(2) Avis disp. sur