A la case asile

Christophe, futur éducateur spécialisé, est en stage au Foyer du jeune homme de Strasbourg, qui accueille des mineurs isolés étrangers, Etienne, lui, est illustrateur. Quand le premier propose au second d’animer un atelier BD dans sa structure, ce dernier hésite. Puis l’idée mûrit et Etienne décide de donner à ce travail une plus grande ampleur : il recueillera les récits de vie de ces jeunes demandeurs d’asile et les mettra en image pour une bande dessinée intitulée Droit d’asile. C’est cette recherche de l’illustrateur, qui se met lui-même en scène dans ses planches, que l’on suit de case en case. Avant sa rencontre avec Roberto, qui a fui l’Angola, Etienne Gendrin épluche toutes les informations qu’il trouve sur la province du Cabinda, dont le jeune homme est originaire. Pour son rendez-vous avec Suthakaran, un tamoul du Sri Lanka, il potasse Courrier international et passe plusieurs heures sur Internet. Mais ce n’est qu’après avoir entendu leurs témoignages qu’il ouvre les yeux sur la réalité de leurs parcours : « Les rencontrer, c’est mieux que la télé pour savoir ce qui se passe dans le monde », affirme son alter ego dessiné. Et, surtout, le bédéiste réalise que ces jeunes lui font un honneur. « On ne donne pas son histoire à tout le monde. C’est un effort de raconter les moments pénibles. »

Pour enrichir son album, le dessinateur discute aussi avec les éducateurs, qui vivent au jour le jour au foyer avec les mineurs – « ces jeunes dont les parents n’existent plus et avec qui ils partagent la sensation de mal-être ». Son entretien avec le chef de service du foyer permet enfin de lui donner un éclairage technique. A lui, il ose poser toutes les questions qui lui passent par la tête. Comment se passe une demande d’asile ? Et si la préfecture refuse ? Comment l’administration juge-t-elle les histoires de chacun (« car toutes les histoires n’ouvrent pas les mêmes portes », apprend-il)? Alors l’ouvrage devient, peu à peu, une dénonciation de la façon dont les mineurs isolés étrangers sont traités, critiquant notamment la détermination de la majorité par l’âge osseux. Mais pour Etienne Gendrin, l’objectif est « que le lecteur suive les récits de ces jeunes, vive leur “aventure” au 1^er degré, ressente leurs émotions et se dise à la fin du livre : les mineurs sans papiers existent ».