Après trois ans et demi de discussion, une majorité du Parlement européen a soutenu, le 24 mars, la proposition de directive de la Commission européenne introduisant un « permis unique » de séjour et de travail pour les travailleurs immigrés dans l’Union européenne (UE) ainsi que le principe d’égalité de droits et de traitement pour ces travailleurs (1). En vertu de ce texte, les migrants issus de pays tiers souhaitant séjourner et travailler dans l’UE pourront obtenir un permis de séjour et de travail par le biais d’une procédure unique (2).
La proposition de directive, amendée par les députés, a été adoptée par 311 voix pour, 216 contre et 81 abstentions, sans le soutien de la gauche européenne. S’ils se félicitent de la suppression d’une disposition du texte autorisant les Etats membres à exiger d’autres documents que ce permis unique – disposition qui avait fait échouer les négociations au sein du Parlement en décembre 2010 –, les élus socialistes dénoncent notamment un traitement inégal entre, d’une part, les citoyens européens et les ressortissants des pays tiers et, d’autre part, entre les migrants eux-mêmes.
Le Conseil des ministres européens doit maintenant se saisir du dossier.
Très discuté, le champ d’application du projet de directive devrait se limiter aux ressortissants de pays tiers qui souhaitent séjourner et travailler dans un Etat membre ou qui séjournent déjà légalement dans l’un de ces pays. Il ne devrait pas concerner les travailleurs d’entreprises multinationales transférés dans une filiale européenne ni les travailleurs saisonniers. Les députés ont en outre décidé d’exclure les travailleurs détachés, une exclusion qui, selon eux, ne devrait toutefois pas empêcher les immigrés qui séjournent et travaillent légalement dans un Etat membre et qui sont détachés dans un autre Etat membre (par leur entreprise pour une période limitée) de « continuer à bénéficier de l’égalité de traitement durant la durée de leur détachement ». Enfin, déjà couverts par d’autres règles européennes, les résidents de longue durée et les réfugiés ne seront pas non plus concernés.
Les eurodéputés ont soutenu le principe selon lequel les travailleurs non européens devraient bénéficier des mêmes droits que les ressortissants de l’UE, notamment en matière de salaire, de santé et de sécurité sur le lieu de travail, de temps de travail et de congé. Ils devraient également jouir, dans une certaine mesure, de l’égalité de traitement en matière de liberté d’association, d’éducation, de reconnaissance des diplômes et de sécurité sociale.
Toutefois, conformément à la proposition initiale de la Commission, les parlementaires ont conservé certaines limites à ces principes, tout en les restreignant. Ainsi, les Etats membres pourraient décider de limiter l’accès des travailleurs étrangers à la sécurité sociale, sauf pour ceux occupant ou ayant occupé un emploi pendant au moins six mois et qui sont enregistrés comme chômeurs. Les prestations familiales pourraient aussi, sur décisions nationales, ne concerner que les travailleurs migrants arrivés pour au moins six mois. Le travailleur étranger pourrait par ailleurs avoir droit aux avantages fiscaux de l’Etat membre dans lequel il séjourne pour autant que les membres de sa famille, au titre desquels il sollicite ces avantages, vivent également dans cet Etat membre. Autres décisions laissées à la discrétion des pays : l’accès aux logements sociaux – qui pourrait être conditionné au fait que les migrants occupent un emploi – et le droit à la formation professionnelle et à l’éducation, qui pourrait être réservé aux étrangers qui occupent ou ont occupé un emploi.
(1) La proposition a été introduite par la Commission européenne en octobre 2007 mais, en 2009, le processus législatif est reparti de zéro à la suite de l’adoption du traité de Lisbonne qui a modifié la procédure. Depuis, le Parlement est co-législateur avec le Conseil de l’UE. Dans ce cadre, il a décidé, sous l’impulsion des libéraux, des socialistes et des Verts, de rejeter la proposition telle qu’amendée en décembre 2010 et de la renvoyer en commission parlementaire – Voir ASH n° 2697 du 18-02-11, p 19.
(2) Ce texte ne s’appliquera pas au Royaume-Uni, à l’Irlande et au Danemark, exemptés au titre du traité de Lisbonne.