Les cheveux mouillés enturbannés dans une serviette, Sandrine se maquille dans un miroir de poche. On la dirait chez elle, dans sa chambre. A un détail près : l’affiche posée de guingois sur le mur blanc. La photo est prise au centre d’hébergement et de réinsertion sociale de Crimée, à Paris. Sur un autre cliché, deux poussettes se croisent. Dans celle du jeune papa, un enfant. L’air tout aussi affairé, Chantal, elle, transporte des paquets, tous ses biens. « La gare de Lyon, c’est finalement pas si mal car tout le monde se trimballe avec des sacs, on voit moins la différence ! », confie-t-elle à la photographe.
Marie-Pierre Dieterlé a photographié pendant trois ans des femmes qui vivent dans la rue. Transparentes. C’est ce qu’elles essaient d’être, pour échapper à la violence. Elles ont l’air d’aller travailler, tentant de maintenir leur apparence, fréquentant les lieux publics, les cafés, pour se laver, se coiffer, se changer. Incroyables photos qui sortent du lieu commun. Le visage de Claudine, qui vient de déposer un CV aux Galeries Lafayette, émerge dans la foule. Quant à Corinne, elle lit, écrit, réalise des colliers de perles dans un café.
Mais difficile d’approcher les lieux où ces femmes sans abri dorment, qu’elles préservent pour se protéger. Chantal s’allonge dans sa poussette. Muriel vit sous une tente dans le bois de Vincennes. D’autres se reposent dans un jardin public, un centre d’accueil de jour, un centre d’hébergement d’urgence pour femmes, une chambre d’hôtel… Décoiffées, harassées, pensives, les mêmes femmes devant le même objectif. On les reconnaît à peine. Leur histoire est racontée en fin d’ouvrage par Marie-Claire Vanneuville, sociologue et cofondatrice de l’association Femmes SDF, à Grenoble.
C’est quand demain ? – Marie-Pierre Dieterlé (photos), Marie-Claire Vanneuville et Pedro Meca (textes) – Ed. Trans Photographic Press (