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Les professionnels prêts à chiffrer la pénurie

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Déterminés à réclamer un « plan d’urgence » pour les services de la Justice, plus de 20 syndicats et associations professionnelles préparent, en vue d’une mobilisation nationale le 29 mars, un état des lieux des moyens manquants. Les constats sont déjà très sombres, notamment pour le suivi des personnes condamnées et la prise en charge des mineurs.

« Un plan d’urgence pour la justice. » C’est ce que réclame la Coordination nationale Justice, qui rassemble plus de 20 syndicats et associations représentant les professionnels de la Justice, dont les magistrats, les avocats, les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) (1). Les accusations formulées par le gouvernement à l’encontre du fonctionnement de la chaîne judiciaire, après le meurtre de Laëtitia Perrais en Loire-Atlantique, ont cristallisé les revendications portées depuis un an par les organisations, qui appellent à deux nouvelles journées d’action, l’une, locale, le 28 mars, l’autre, nationale, le 29 à Paris (2). « La seule réponse que nous a apportée le ministère est la mise en place de groupes de travail sur l’organisation et les méthodes de travail », souligne Maria Inès, co-secrétaire nationale du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES)-PJJ-FSU. Les travaux sur le sujet ont en effet démarré à la chancellerie, sur l’application des peines et sur les services pénitentiaires d’insertion et de probation, avec l’objectif d’aboutir avant l’été. Les organisations membres de la coordination, qui réclament que la question des moyens soient traitée en priorité et que soient abordées les difficultés de l’ensemble des services de la Justice, ont refusé d’y participer.

« Deux milliards de plus par an »

La coordination a initié un énorme travail de recensement de la pénurie dans les services et les juridictions. Avant de pouvoir en diffuser une synthèse, elle dresse un constat alarmant. « Il faudrait deux milliards d’euros de plus par an pendant dix ans », évalue Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats. Une question de choix politique, plaident les professionnels : si le budget de la Justice (7 milliards d’euros) a augmenté de 4 % en 2011, « cette hausse a été absorbée par l’administration pénitentiaire, non pas pour améliorer le fonctionnement des services, mais pour agrandir le parc pénitentiaire », regrette Céline Verzeletti, secrétaire générale de la CGT-pénitentiaire.

Les magistrats déplorent que, outre les pertes occasionnées par la révision générale des politiques publiques, les réformes se soient multipliées sans les moyens nécessaires. Ainsi, illustre le Syndicat de la magistrature, le projet de réforme de la loi du 27 juin 1990 sur l’hospitalisation pour troubles mentaux nécessite « la création de postes suffisants, évalués à 77 ou 80 équivalents temps plein de magistrats par l’étude d’impact, à une époque où le ministère annonce la suppression de 76 postes de magistrats ».

L’inflation législative a également des conséquences sur les SPIP : l’étude d’impact de la loi pénitentiaire que le gouvernement avait transmise au Sénat a chiffré les besoins à 1 000 agents supplémentaires, ce qui permettrait de passer de 80 à 60 dossiers par conseiller d’insertion et de probation. « Or seuls 48 postes sont ouverts au concours pour 2011 ! », s’indigne Charlotte Cloarec, secrétaire générale du Snepap (Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire)-FSU. Et, selon les syndicats, la demande ministérielle, formulée après l’« affaire de Pornic », d’affecter désormais nominativement les dossiers pour éviter qu’ils restent en souffrance désorganise encore plus les services. « A Paris, ce sont 850 mesures supplémentaires qui ont été réparties, alors que nous avons déjà en moyenne 90 dossiers par agent », relèvent les représentants de la CGT-pénitentiaire et du Snepap-FSU au SPIP de Paris. A l’issue d’une visite de ce service organisée par les syndicats le 17 mars, la députée (PS) du XXe arrondissement de Paris, George Pau-Langevin, a d’ailleurs annoncé son intention de demander, fin mars, une mission parlementaire « afin de permettre un bilan approfondi et une vision contradictoire sur le suivi des personnes condamnées en milieu ouvert ».

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, le garde des Sceaux, Michel Mercier, a lui même annoncé la couleur, le 18 mars, lors des assises du Carrefour national de l’action éducative en milieu ouvert (Cnaemo) : « La baisse des dépenses de fonctionnement décidée par Matignon s’élèvera à 10 % sur trois ans, dont 5 % cette année. » Le SNPES-PJJ-FSU, lui, chiffre à 6 % la perte d’emplois en trois ans et à plus de 140 le nombre d’unités éducatives supprimées entre fin 2009 et fin 2011. Tandis que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse défend une logique de rationalisation et de territorialisation des services, le SNPES dénonce la disparition de dispositifs. Des hébergements collectifs accueillant peu de jeunes sont fermés en vue de redéploiements, « mais la capacité de 12 places décidée par la PJJ n’est que théorique, explique Michel Faujour, membre du bureau du SNPES. En réalité, ces suppressions entraînent une diminution de la capacité et de la diversité de l’accueil. Sans compter que l’on supprime des structures proches des familles, ce qui est catastrophique pour l’accessibilité des services. » Pour le syndicat, la mutualisation de certaines fonctions, notamment de psychologues, remet également en cause la qualité des missions. Le 21 mars, sa section régionale se mobilisait d’ailleurs contre les projets de réorganisation en Ile-de-France. « 116 postes doivent être supprimés ou redéployés », selon Jean-Paul Ravaux, secrétaire régional du SNPES.

Le secteur associatif habilité n’est pas épargné par les coupes. Dernièrement, la circulaire de tarification des services et établissements relevant de la PJJ a soulevé un tollé des fédérations associatives, qui contestent notamment le financement de la nouvelle mesure judiciaire d’investigation éducative (IOE) (3). Aux assises du Cnaemo, Michel Mercier a annoncé avoir demandé au directeur de la PJJ de différer au 31 décembre prochain, au lieu du 30 juin, la date butoir à laquelle cette mesure doit définitivement se substituer aux enquêtes sociales et aux IOE. Il souhaite que « ces six mois supplémentaires soient mis à profit pour reprendre la dynamique de négociation ». Si la tarification de cette mesure pourrait donc être revue, le ministre ne s’est, en revanche, pas prononcé sur la question des centres éducatifs fermés, qui voient dans la circulaire leur taux d’encadrement diminué, pour un nombre supérieur de jeunes.

Notes

(1) Dont le Snepap-FSU, le SAF, le SNPES-PJJ-FSU, la CGT-PJJ, l’UNSA-PJJ, l’ANJAP, la CGT-pénitentiaire, l’Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature.

(2) Voir ASH n° 2698 du 25-02-11, p. 21.

(3) Voir ASH n° 2699 du 4-03-11, p. 23 et, dans ce numéro, la rubrique « Vos idées », p. 23.

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