« On ne peut plus s’en tenir à l’image d’un fonctionnaire “protégé” », affirme le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) dans un rapport, élaboré en auto-saisine et adopté à l’unanimité le 16 mars, qui analyse les formes de la précarité dans la fonction publique territoriale (FPT) et les mécanismes qui tendent à la produire et à la perpétuer (1). Fruit d’un travail collectif des représentants des syndicats et des employeurs membres du conseil, le document ne manquera pas d’éclairer le débat public en cours sur les agents non titulaires dans la fonction publique (2).
Deux formes de précarité y sont principalement dénoncées, celle des non-titulaires qui vivent dans l’incertitude du renouvellement de leur contrat, et celle des titulaires à temps non complet qui connaissent une plus grande vulnérabilité financière et sont donc plus fortement touchés par « les accidents de la vie ». Dans le cas plus spécifique des agents non titulaires, le rapport constate que, « des trois fonctions publiques, c’est la FPT qui connaît le taux de non-titulaires le plus élevé », soit un agent sur cinq en 2009. Parmi eux, la proportion des emplois aidés est en « constante diminution », constate le groupe de travail, qui juge par ailleurs ces contrats comme « des formes d’emploi instables, parvenant rarement à offrir une insertion durable à leurs bénéficiaires ». Le conseil dénonce également la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique qui a introduit le contrat à durée indéterminée dans la FPT, loi dont les dispositions « concernent essentiellement le recours aux agents non titulaires sur des emplois permanents ».
Parmi les agents concernés par des emplois précaires, le rapport relève une surreprésentation des femmes (deux non-titulaires sur trois). Par ailleurs, les filières médico-sociale et sociale arrivent respectivement au quatrième et cinquième rangs des filières connaissant la proportion la plus élevée d’agents non titulaires.
Le rapport critique notamment « une gestion dans l’urgence » des besoins en recrutement et un « affaiblissement de la place du concours » qui favoriseraient le recours aux contractuels dans la FPT. « Cette situation pose la question des difficultés, voire de l’absence de gestion prévisionnelle des effectifs, de l’emploi et des compétences (départ à la retraite, développement de services existants, création d’activités nouvelles) mais aussi de la satisfaction des besoins sociaux sur du long terme comme conditions d’un service public de qualité ».
La précarité dans l’emploi induit une précarité financière, ainsi qu’une précarité des droits (chômage, maladie, retraite) sur lesquelles revient longuement le CSFPT. Pour lutter contre ces formes de précarité, le rapport émet 16 préconisations d’action « non exhaustives », comme « régulariser la situation des agents non titulaires qui peuvent intégrer les cadres d’emplois de la fonction publique territoriale », par exemple en créant dans la filière médico-sociale un cadre d’emplois d’assistants maternels et familiaux. Ou encore « la mise en place d’un dispositif pérenne de titularisation des agents non titulaires qui occupent des emplois permanents ou qui sont recrutés pour des besoins temporaires dès lors qu’ils exercent leurs fonctions de manière durable auprès du même employeur ». Le concours doit rester la voie d’accès principale et la création de nouveaux cadres d’emploi doit pouvoir être envisagée lorsque les besoins le justifient. Le rapport fait également quelques propositions concernant la rémunération des fonctionnaires, précisant que « le régime indemnitaire doit rester une part accessoire » de cette dernière.
(1) La précarité dans la fonction publique territoriale – Disponible sur