« Mon corps, que puis-je en dire ? Je l’aime. Ces seins ronds que j’aime sentir dans mes mains […]. Mais mon corps c’est aussi un visage. Un visage ingrat avec cette peau abîmée. » Le texte va avec une photo, celle d’une femme de dos, nue, la lumière venant caresser le flanc droit, lisse, laissant les plis dans l’ombre. Difficile de détacher les yeux de cette image, qui détonne du reste de l’exposition, constituée de portraits masculins ou de photos d’hommes debout, dans la rue, chaudement vêtus.
Pour cette exposition « Quelles vies ! », Olivier Pasquiers, membre du collectif Le bar Floréal, a rassemblé quatre séries de travaux en noir et blanc. Dans « Les oubliés de guerre », ce sont les visages abattus, le déracinement sur le fond anonyme des foyers Adoma de Beauvais (Oise), où sont venus, à la retraite, d’anciens combattants marocains de l’armée française, la plupart découvrant la France. Dans « Maux d’exil », réalisé à l’initiative du Comité médical pour les exilés (Comede), Olivier Pasquiers traque au plus près des yeux, des mains, le désarroi de ceux qui ont été contraints de fuir leur pays. Alors que, pour « Première paye », il garde ses distances, photographiant de pied des travailleurs souriants, comme enracinés dans l’univers urbain de l’image par le récit de leur première expérience professionnelle. Puis « Nous… notre corps », réalisé dans le cadre d’un projet de la Maison de la solidarité, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) : les participants choisissaient une photographie qui les inspirait – pas forcément la leur –, et c’était le point de départ de l’écriture. « Je sais maintenant que les corps sont faits aussi de mots, parfois indicibles ; qu’il faut alors aller les chercher dans un fragment de corps », a compris Olivier Pasquiers. Ainsi, dans l’exposition, les textes, qui se lisent comme des poèmes, questionnent les photos, qui elles-mêmes renvoient aux phrases.
« Quelles vies ! » – Olivier Pasquiers – Jusqu’au 21 mai, à la galerie Fait & Cause – 58, rue Quincampoix, 75004 Paris – Entrée libre