Les organisations mobilisées contre la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) applaudissent la censure du texte par le Conseil constitutionnel (voir ce numéro, page 6). En particulier l’invalidation de la disposition qui permettait aux préfets de procéder à l’évacuation forcée de terrains occupés illégalement et d’une série de mesures concernant les mineurs : la possibilité de leur appliquer des peines planchers, y compris en cas de primo-délinquance, de les convoquer devant le tribunal pour enfants sans passer par une phase d’instruction par le juge des enfants et de sanctionner pénalement les parents en cas de non-respect d’une mesure de couvre-feu. La décision de la Haute Juridiction permettra d’exiger à l’avenir « le respect d’une justice spécifique et adaptée aux enfants, dans le respect de la Convention internationale des droits de l’enfant », se félicite l’Unicef-France. Enfin, se réjouit également Défense des enfants international (DEI)-France, les principes relatifs à la justice des mineurs « jouent leur rôle de garde-fou contre les ultimes dérives visant à aligner le droit pénal des mineurs sur celui des majeurs ».
De fait, forts de cet arbitrage, associations et syndicats s’estiment d’autant plus armés pour contester les orientations prévues par le garde des Sceaux pour tendre vers « un traitement plus rapide et plus lisible de la délinquance des mineurs » (1). Sans attendre la finalisation du code de la justice pénale des mineurs annoncée depuis 2008, Michel Mercier a, le 2 mars, fait part de mesures qui, selon six organisations représentant les magistrats, les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse et les avocats (2), sont « contraires au droit international et à notre constitution ». Le projet de faire juger les mineurs de 16 à 18 ans récidivistes par un tribunal correctionnel comprenant un juge des enfants revient à effacer le statut de minorité, argumentent-elles. « Ce projet fondé sur une défiance à l’égard des tribunaux pour enfants qui peuvent prononcer des peines et des mesures éducatives serait un incroyable retour en arrière, nous ramenant à l’état du droit en 1912 [3] ! » Compte tenu de la surcharge des audiences correctionnelles, expliquent-elles en outre, les jeunes concernés ne pourraient pas bénéficier de l’examen approfondi de leur personnalité et de leur évolution auquel procèdent les juridictions pour mineurs.
Autre mesure contestée : celle d’abaisser le seuil de la peine encourue permettant un placement dans un centre éducatif fermé. Jusqu’ici présenté comme une dernière chance avant l’incarcération, le dispositif est en pratique utilisé pour des jeunes ayant peu d’antécédents pénaux, faute d’autres solutions, commentent les organisations de professionnels de la justice. Pour elles, le projet du garde des Sceaux « légalise ce détournement et donne la priorité à la réponse répressive par rapport à la réponse éducative au moment où la PJJ subit des restructurations massives, notamment des fermetures de foyers éducatifs ».
Est également très critiqué le projet de « mieux responsabiliser », par la sanction, les parents de mineurs délinquants qui ne se rendraient pas aux convocations du tribunal pour enfants. Après la loi qui prévoit la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire (voir ce numéro, page 39) et l’élargissement, par la Loppsi, des possibilités de recours au contrat de responsabilité parentale, « jusqu’où ira-t-on dans cette surenchère absurde et inefficace » ?, s’indignent les professionnels. « Seuls la prévention et l’accompagnement social et éducatif de parents démunis et fragilisés peuvent les conduire sur la voie de la responsabilisation. »
(2) SNPES-PJJ, Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, CGT-PJJ, Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, FSU.
(3) La loi du 22 juillet 1912 a créé les tribunaux pour enfants et adolescents et la possibilité d’ordonner des mesures de surveillance et d’éducation.