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« LA DÉSINSTITUTIONNALISATION NE DOIT PAS ÊTRE UN ALIBI »

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Dans une recommandation du 3 février 2010, le Conseil de l’Europe demande aux Etats membres « de ne plus placer les enfants handicapés en institution » et de développer des services de proximité (1). Philippe Miet, conseiller « politiques européennes et internationales » à l’Association des paralysés de France (APF), invite à la vigilance (2).

Quelle valeur a cette recommandation ?

Le Conseil de l’Europe a pour mission de promouvoir les droits de l’Homme auprès de ses 47 Etats membres. Prenant appui sur la convention des Nations unies relative aux droits de l’Enfant et sur celle relative aux droits des personnes handicapées, il estime qu’il n’y a aucune raison pour qu’un enfant, sauf en cas de négligence ou de maltraitances, soit accueilli en institution du seul fait de ses incapacités. Si cette recommandations est surtout une impulsion donnée aux Etats et n’a pas de caractère obligatoire, elle rejoint les préoccupations de l’Union européenne. Un groupe d’experts mis en place par Vladimir Spidla, lorsqu’il était commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances, réfléchit à « la transition des soins en institution vers les soins de proximité », notamment pour les personnes handicapées.

Faut-il entendre par « désinstitutionnalisation » la fermeture de tous les établissements ?

Non, ce terme fait référence à l’« institution » au sens anglo-saxon ; il désigne un lieu qui restreint fondamentalement les libertés et les droits des usagers. En fait, la désinstitutionnalisation (3) est un processus qui vise à aider les personnes à gagner ou à reconquérir le contrôle de leur vie comme des citoyens à part entière. Il ne s’agit pas d’exclure toute vie en collectivité, mais de fermer les établissements où les personnes ne sont pas respectées dans l’exercice de leurs droits. S’il est évidemment difficile de mettre en œuvre ces droits dans des structures de 300 ou 400 places, rien n’empêche de créer des petits collectifs où les usagers gardent leur liberté de choix. On peut se demander d’ailleurs à partir de quelle taille critique on parle d’institution. Chaque pays met la barre où il veut. Dans les pays scandinaves par exemple, on estime qu’au-delà de sept ou huit personnes, on est dans une forme institutionnelle inacceptable.

Si cette recommandation va plutôt dans le bon sens, pourquoi êtes-vous inquiet (4)

Elle invite, en effet, à maintenir le plus possible les enfants handicapés dans leur milieu ordinaire en développant des services de proximité variés et de qualité. Mais si les intentions du Conseil de l’Europe sont louables, notre crainte est qu’elle serve d’alibi au gouvernement pour diminuer les moyens dévolus au secteur médico-social. Depuis des années, l’APF a engagé une politique de proximité en développant les Sessad et les CAMSP (5). Nous sommes prêts à aller plus loin, mais encore faut-il une politique d’éducation beaucoup plus inclusive, qui ne résume pas aux auxiliaires de vie scolaire ! De même, les structures de la petite enfance et de loisirs doivent être beaucoup plus accessibles à tous. Enfin, s’il s’agit de transférer la charge de l’enfant handicapé de l’établissement à la famille, il faut créer toute une gamme de services permettant aux parents de concilier cette responsabilité avec leur vie personnelle et professionnelle.

Que demandez-vous ?

La France a un système institutionnel relativement important, dans la moyenne de l’Union (6). La désinstitutionnalisation doit s’accompagner non de la suppression des moyens dévolus aux établissements mais de leur transfert à la création de services de qualité. Or le gouvernement ne semble pas aller dans cette direction : il n’y a qu’à voir le peu de reconnaissance des auxiliaires de vie, qui accompagnent les personnes handicapées à leur domicile. C’est pourquoi, à l’APF, nous défendons l’idée d’établir un cahier des charges définissant, à partir des besoins des personnes, ce qu’est un service de qualité.

Notes

(1) Voir ASH n° 2646 du 12-02-10, p. 8.

(2) Voir également la rubrique « Vos idées », ce numéro, p. 25.

(3) Un terme que l’association METIS Europe juge inapproprié pour « caractériser la nécessité de penser l’intervention sans rupture ».

(4) La CNAPE a également fait part de ses inquiétudes – Voir ASH n° 2653 du 2-04-10, p. 23.

(5) Services d’éducation spécialisée et de soins à domicile et centres d’action médico-sociale précoce.

(6) Derrière l’Italie qui a « désinsitutionnalisé » il y a plus de 30 ans et devant la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, fortement « institutionnalisés ».

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