Tout ressortissant d’un pays tiers, parent d’un enfant en bas âge ayant la nationalité d’un des Etats membres de l’Union européenne (UE), peut vivre et travailler librement dans l’Union dans la mesure où la situation inverse priverait l’enfant de la jouissance effective de ses droits attachés au statut de citoyen européen. C’est ce qu’a décidé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt du 8 mars.
Dans cette affaire, deux époux colombiens sont arrivés en Belgique dans les années 2000 à la suite de l’enlèvement de leur premier enfant en Colombie. Malgré cet événement, leurs demandes respectives de régularisation ont été rejetées par les autorités belges, qui ont refusé de leur accorder le statut de réfugié et leur ont adressé une obligation de quitter le territoire, qu’elles ont toutefois assortie d’une clause de non-reconduite en Colombie en raison de la situation de guerre civile qui prévalait dans ce pays à l’époque. L’époux a alors commencé à travailler pour une entreprise établie en Belgique. Grâce à cet emploi, et malgré le fait qu’il ne possédait pas de permis de travail, il disposait, au moment de la naissance de son second enfant – qui est né belge (1) –, de ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Son activité professionnelle donnait lieu en outre au paiement de cotisations salariales et patronales de sécurité sociale. Mais lorsqu’il a perdu son emploi, les autorités belges ont refusé de lui payer ses allocations de chômage, estimant qu’il ne satisfaisait pas à la législation nationale relative au séjour des étrangers et n’avait pas le droit de travailler en Belgique. Parallèlement, le couple a donné naissance à un troisième enfant, également de nationalité belge. Et, alors qu’ils étaient ainsi devenus parents de deux ressortissants belges, les époux colombiens se sont à nouveau vu refuser une demande de séjour au motif qu’ils avaient « intentionnellement manqué de faire les démarches nécessaires auprès des autorités colombiennes pour la reconnaissance de la nationalité colombienne de leurs enfants ».
Le couple a alors attaqué en justice les décisions leur refusant le versement des allocations de chômage devant le Tribunal du travail de Bruxelles. Celui-ci a saisi à son tour la Cour de justice de l’Union européenne pour lui demander si, sur la base du droit de l’UE, les parents colombiens peuvent séjourner et travailler en Belgique. Dans son arrêt, la Cour estime que le refus du droit au séjour empêche les deux enfants de jouir effectivement des droits qui découlent du statut de citoyen de l’Union européenne dont ils bénéficient de par leur nationalité. Si leurs parents n’obtiennent pas un permis de séjour, les enfants seront obligés de repartir avec eux en Colombie, explique-t-elle, et si leurs parents ne bénéficient pas d’un permis de travail, ceux-ci ne pourront pas subvenir à leurs besoins. Pour la CJUE, le droit de l’Union s’oppose donc à des mesures nationales qui priveraient le ressortissant d’un Etat tiers assumant la charge de ses enfants en bas âge, citoyens de l’UE, du droit au séjour dans l’Etat membre où vivent ces derniers et dont ils ont la nationalité, ainsi que d’un permis de travail, « dans la mesure où de telles décisions priveraient lesdits enfants de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l’Union ».
Cette décision, qui est valable même si l’enfant n’a jamais exercé son droit de libre circulation sur le territoire des Etats membres, lie les autres juridictions nationales qui seraient à l’avenir saisies d’un problème similaire.
(1) Selon le code de nationalité belge, est belge l’enfant né en Belgique et qui, à un moment quelconque avant l’âge de 18 ans, serait apatride s’il n’avait cette nationalité.