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MECS : l’urgence d’une élaboration collective

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Que faire face à la « crise identitaire » des maisons d’enfants à caractère social, liée au sentiment partagé par leurs différents acteurs qu’il est de plus en plus difficile d’exercer en hébergement collectif ? Mettre en place un réseau de réflexion pour soutenir et dynamiser les pratiques professionnelles, répondent Francis Batifoulier et Noël Touya, respectivement directeur et chef de service dans une MECS des Pyrénées-Atlantiques (1).

« Dans son ouvrage La Prospérité du vice (2), Daniel Cohen emploie à propos du fonctionnement économique actuel l’expression d’“incertitude systémique”. Cette expression nous semble bien caractériser le secteur social et médico-social, entré dans une période de métamorphoses. Ces dernières affectent toutes les organisations sociales et médico-sociales, et tout particulièrement celles qui ont pour ambition de faire vivre ensemble des personnes en difficulté. Les institutions sociales et médico-sociales sont des instances de liaison fragiles, confrontées à des tensions massives de par leur cœur de métier : prendre en compte et accompagner des personnes en souffrance : “Elles ont à accueillir, gérer ou traiter ce que le social exclut. A la fois désavouées et magnifiées, elles figurent l’espace d’accueil du négatif. Modèle emblématique assigné à une position d’idéal, elles sont en même temps le lieu de recyclage de l’exclu, du désavoué ou de l’impensable…” (3). Ce que décrit Jean-Pierre Pinel concerne tout particulièrement, mais pas exclusivement, les maisons d’enfants à caractère social (MECS). Ce n’est pas un scoop de dire que nombre d’entre elles sont aujourd’hui durement mises à l’épreuve au quotidien. Cette mise à l’épreuve concerne aussi bien les jeunes accueillis que les professionnels qui les accompagnent. Le contexte d’incertitude auquel nous faisions référence ne facilite pas les choses : incertitude budgétaire, conventionnelle…

Mais il ne s’agit pas ici de se complaire dans la plainte ou dans la déploration. Le défi est de penser l’actualité et l’avenir des MECS. Il n’est pas simple à relever mais les équipes ne partent pas de rien. Depuis quelques années, ces établissements ont procédé à un remaniement profond de leurs pratiques éducatives et des logiques qui les sous-tendent. Elles se sont engagées dans une diversification de leurs prestations, redéfinissant leur métier de base par la déclinaison d’actions qui autrefois ne leur étaient pas dévolues : soutien à la parentalité, insertion dans le milieu naturel de l’enfant et de la famille, accueil séquentiel… Parallèlement à ce mouvement, les problèmes rencontrés pour faire vivre des jeunes en collectivité ont amené des stratégies d’externalisation : pavillons, appartements éducatifs, chambres en ville…

Toutefois, aujourd’hui, du fait de ces évolutions, nos organisations peuvent traverser une crise identitaire dans laquelle le sentiment partagé par les différents acteurs, administrations, associations, équipes éducatives et notamment jeunes professionnels, est qu’il est de plus en plus difficile d’exercer dans le cadre de l’hébergement collectif. En réalité, le métier des MECS a toujours été difficile et complexe. Il est le cadre d’une clinique qui réclame beaucoup de professionnalité et d’engagement de la part de tous les personnels qui y interviennent.

C’est à nous, associations, professionnels, qu’il revient de parler de notre métier, d’en cerner les enjeux et les nouveaux organisateurs afin de soutenir un dialogue étayé et constructif sur les fondements techniques, cliniques et éthiques de nos pratiques. Nous identifiions dans une précédente tribune (4) les chantiers qu’il nous fallait investir pour assurer un avenir à nos établissements et éviter que les maisons d’enfants ne deviennent des lieux d’ensauvagement. Si l’incertitude est systémique, la réflexion doit l’être aussi. Gilles Cervera demandait récemment dans ces colonnes (5) un débat d’urgence. Il faut en effet sans tarder identifier les questions prioritaires à traiter et faire exister des espaces d’élaboration collective où professionnels et chercheurs produisent des travaux propres à améliorer les modalités d’intervention.

Si l’on ne veut pas que s’installe un climat délétère de marasme et de crise dans nos établissements, on ne peut plus différer la mise en place d’un réseau qui aurait pour tâche de créer un mouvement de réflexion et d’analyse qui fonde, soutienne, dynamise les pratiques des professionnels (6). »

Contact : fbatif@stvpbiarritz.fr ; ntouyasvp@numericable.fr

Notes

(1) Ils ont codirigé Refonder les internats spécialisés. Pratiques innovantes en protection de l’enfance (Ed. Dunod, 2008) et Promouvoir les pratiques professionnelles en action sociale et médico-sociale. Etablissements, dispositifs, réseaux (Ed. Dunod, 2011).

(2) Ed. Albin Michel, 2009.

(3) Jean-Pierre Pinel, « La déliaison pathologique des liens institutionnels » in Souffrance et psychopathologie des liens institutionnels – Ed. Dunod, 1996.

(4) Francis Batifoulier, « Internats spécialisés : des pistes pour une refondation » – Voir ASH n° 2573 du 19-09-08, p. 33.

(5) « Internats : l’heure des choix » – Voir ASH n° 2662 du 4-06-10, p. 26.

(6) A signaler que l’Andesi (Association nationale des cadres du social) organise les 24 et 25 mars prochains à Bordeaux la première rencontre nationale rassemblant les professionnels des MECS – http://demainlesmecs.fr.

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