Pourquoi cette association ?
Elle s’adresse aux cadres de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ayant la délégation de signature du président du conseil général pour prendre toute mesure relative à la protection de l’enfance. Nous l’avons créée en juin 2010, après avoir fait le constat que nous exerçons une fonction à géométrie variable selon les configurations départementales. Certains vont ainsi transmettre après évaluation les informations préoccupantes au parquet alors que d’autres vont n’intervenir qu’au moment de la mise en œuvre des mesures – ce qui nous interroge sur l’égalité de traitement des familles. Notre objectif est donc de pouvoir échanger sur nos pratiques, de nous entraider dans l’analyse juridique de situations et de faire des propositions pour peser dans le débat national. Forte à ce jour d’une trentaine de membres, l’association espère toucher tous les cadres de l’ASE concernés – à peu près 400 au total (de un à une dizaine par département) (2).
Quel bilan dressez-vous de la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance ?
C’est une bonne loi qui, en faisant du département le chef de file de la protection de l’enfance, a clarifié les domaines de compétences entre les autorités administrative et judiciaire et pris en compte le rôle des parents dans l’intérêt de l’enfant. Resteque, contraints financièrement, les départements ne peuvent pas utiliser toutes les nouvelles modalités de prise en charge (accompagnement éducatif en économie sociale et familiale, accueil modulable…). Par ailleurs, les cadres de l’ASE, souvent noyés sous les dossiers en cours (plus de 1 000 par agent dans le Nord, plus de 600 en Ile-de-France), ont du mal à rencontrer les familles pour établir un projet pour l’enfant, comme le prévoit la loi. Enfin, l’articulation reste difficile entre les interventions administrative et judiciaire, ce qui nuit à la continuité de la prise en charge : par exemple, même si les parents évoluent et acceptent de coopérer, il est rare que les juges transforment la mesure de protection judiciaire prononcée à l’encontre de leur enfant en mesure de protection administrative (3).
Cette articulation n’est-t-elle pas aussi plus difficile avec la loi sur la prévention de délinquance ?
Bien sûr, cette loi, promulguée aussi le 5 mars 2007, n’a fait que renforcer les cloisonnements. La stigmatisation dont sont l’objet les jeunes délinquants mais aussi le manque de places au sein des établissements de la protection judiciaire de la jeunesse, recentrée au pénal, amènent certains magistrats à maintenir en protection de l’enfance des adolescents qui devraient faire l’objet d’une mesure pénale. A tel point que les structures d’hébergement de l’ASE accueillent aujourd’hui des enfants et des adolescents victimes mais aussi délinquants, ce qui est contraire à leur intérêt et nuit à la vie collective. Par ailleurs, l’essentiel des moyens est consacré à la prévention de la délinquance : alors que le fonds interministériel qui lui est consacré a été créé dès 2007, il a fallu attendre trois ans pour que celui relatif à la protection de l’enfance voie le jour !
Vous voulez aussi promouvoir les réponses innovantes…
Malgré la faiblesse des moyens, les départements s’efforcent de tricoter des réponses au plus près des besoins des jeunes. Certains mettent en place des accueils de jour pour des enfants déscolarisés avec l’objectif de les réintégrer dans le circuit scolaire ou des accueils séquentiels permettant une prise en charge partagée entre l’internat et la famille d’accueil. Il s’agit pour nous de valoriser ces innovations afin qu’elles puissent être reprises ailleurs.
(1) Anacase : 1, impasse de la Planche-Coutant – Orgenoy – 77310 Boissise-le-Roi –
(2) Ces cadres, qui ont une double compétence juridique et sociale, sont des attachés administratifs ayant une formation juridique ou des conseillers socio-éducatifs.
(3) La mesure judiciaire est notamment prononcée en cas d’absence d’adhésion de la famille à la mesure administrative.