La loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public (1) prendra effet le 11 avril prochain, en métropole comme en outre-mer. En attendant, dans une circulaire qu’il a adressée notamment à ses ministres et aux préfets, François Fillon en détaille le champ d’application, précise « la conduite à tenir dans les services publics » et annonce une campagne d’information et de sensibilisation.
L’infraction est constituée dès lors qu’une personne porte une tenue destinée à dissimuler son visage et qu’elle se trouve dans l’espace public. « Ces deux conditions sont nécessaires et suffisantes », souligne le Premier ministre.
Les tenues destinées à dissimuler le visage sont plus précisément celles qui rendent impossible l’identification de la personne. Il n’est pas nécessaire, à cet effet, que le visage soit intégralement caché. « Sans prétendre à l’exhaustivité », le pensionnaire de Matignon cite bien évidemment, comme exemple de tenues interdites, les voiles intégraux (burqa, niqab…), mais aussi les cagoules, masques ou tout autre accessoire ou vêtement ayant pour effet, pris isolément ou associé avec d’autres, de dissimuler le visage.
Au passage, François Fillon rappelle les exceptions légales à l’interdiction : tenue « prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires » (casque intégral pour les motards), « justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels », ou bien encore s’inscrivant « dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles ».
La circulaire revient également sur la définition d’« espace public », constitué « des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public », selon les termes de la loi. Les lieux ouverts aux publics sont aussi bien ceux dont l’accès est libre (plages, jardins publics, promenades publiques…) que ceux dont l’accès est possible, même sous condition, « dans la mesure où toute personne qui le souhaite peut remplir cette condition » (paiement d’une place de cinéma ou de théâtre par exemple). « Les commerces (cafés, restaurants, magasins), les établissements bancaires, les gares, les aéroports et les différents modes de transport en commun sont ainsi des espaces publics », souligne le Premier ministre.
Quant aux lieux affectés à un service public, il s’agit des implantations de « l’ensemble des institutions, juridictions et administrations publiques ainsi que des organismes chargés d’une mission de service public ». Sont notamment concernés les diverses administrations et établissements publics de l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les mairies, les tribunaux, les préfectures, les hôpitaux, les bureaux de poste, les établissements d’enseignement (écoles, collèges, lycées et universités), les caisses d’allocations familiales, les caisses primaires d’assurance maladie, les services de Pôle emploi, les musées ou bien encore les bibliothèques.
Pour François Fillon, les lieux de culte ouverts au public entrent également dans le champ d’application de la loi. L’interdiction de dissimuler son visage ne doit toutefois pas conduire à restreindre l’exercice de la liberté religieuse dans ces lieux, conformément à la « réserve d’interprétation » émise par le Conseil constitutionnel (2). Autrement dit, le port d’une tenue dissimulant le visage n’est pas interdit dans un lieu de culte ouvert au public lorsqu’il résulte d’une prescription religieuse admise comme telle par le responsable de ce lieu (3).
Après avoir rappelé brièvement les sanctions de l’infraction – contravention d’un montant maximal de 150 € et/ou stage de citoyenneté –, le Premier ministre indique la conduite à tenir dans les services publics. Il précise notamment le rôle du chef de service, « responsable du respect des dispositions de la loi du 11 octobre 2010 et des mesures mises en œuvre, en particulier l’actualisation des règlements intérieurs, pour assurer son application ».
La circulaire évoque également la marche à suivre pour les agents chargés d’un service public directement confrontés à une personne dont le visage est dissimulé : il s’agira de rappeler à la personne la réglementation applicable et de l’inviter au respect de la loi, en se découvrant ou en quittant les lieux. Et, en cas de refus d’obtempérer, d’appeler les forces de l’ordre afin de faire constater l’infraction. L’agent ne doit en aucun cas contraindre l’intéressé à se découvrir ou à sortir, insiste le Premier ministre. En effet, la loi ne lui en donne pas le pouvoir. Cela « constituerait une voie de fait et exposerait son auteur à des poursuites pénales ».
En tout état de cause, « le refus d’accès au service ne pourra faire l’objet d’aménagements que pour tenir compte de situations particulières d’urgence, notamment médicales ».
François Fillon souhaite que la période précédant l’entrée en vigueur de la nouvelle infraction soit mise à profit pour assurer l’information du public. Une campagne d’information a ainsi débuté dans les lieux publics sous forme d’affiches portant le slogan « la République se vit à visage découvert ». Des dépliants en français et un site Internet (
Enfin, un dispositif d’information plus ciblé sur les acteurs de terrain susceptibles d’être en contact avec les personnes concernées par l’interdiction a également été préparé par les ministères de la Ville, de l’Intérieur et de la Cohésion sociale. L’idée étant de mobiliser en particulier les associations et les réseaux de proximité en charge des droits des femmes (le réseau des centres d’information sur les droits des femmes, les 300 « délégués du préfet », les adultes-relais travaillant dans les quartiers…) ainsi que l’ensemble des acteurs de la médiation sociale, et notamment les médiateurs de l’Education nationale.
« Ce plan d’information, de sensibilisation et d’accompagnement particulier a pour objet de donner toutes ses chances au dialogue, afin d’amener la petite minorité des personnes qui se dissimulent le visage à respecter l’interdiction posée par le législateur », indique la circulaire. « Ce dialogue, insiste François Fillon, n’est pas une négociation ; il a vocation, par un travail d’explication, à amener les personnes concernées à renoncer d’elles-mêmes à une pratique qui heurte les valeurs de la République. »
(3) Dans les autres situations, la force publique pourra intervenir à la demande de ce dernier.