Trois excellents comédiens entrent dans la peau d’Enrique, d’Angel et de Jaime, jeunes blessés par la vie qui errent pendant une nuit dans la jungle urbaine, au pied d’une cité de 4 000 logements. Peu de choses réunissent les trois acolytes, sinon le désert affectif et la défaite parentale. Le frère d’Enrique, schizophrène, le bat régulièrement sous les yeux indifférents de ses parents, la mère de Jaime est toxicomane, celle d’Angel est morte – tombée par la fenêtre en faisant les carreaux – et son père entretient une relation incestueuse avec sa sœur. Dans ces conditions, aucun d’eux n’a envie de rentrer chez lui. Ils préfèrent traîner ensemble, au milieu d’un décor sobre, et se livrer à des jeux de dépassement afin de tester leurs limites. Fugue, alcool, drogues douces, tentative de hold-up minable… leur désœuvrement s’exprime par la provocation. Un ours en peluche crasseux, plus bafoué qu’eux-mêmes et trouvé dans une poubelle, devient leur mascotte et objet transitionnel. Pour mettre en scène le bouillonnement interne d’énergie et de révolte des jeunes, La nuit de l’ours est presque entièrement chorégraphiée par Claire Richard. Les danses exécutées par le trio sur fond de hip-hop apportent une bouffée d’air frais à cette histoire sans temps mort. On rit, on s’affole, on angoisse pour ces « délinquants de carton » – comme les qualifie la metteure en scène Agathe Alexis –, dont les mésaventures renvoient à la jeunesse de tout un chacun. La pièce s’adresse également à un public adolescent et peut être accompagnée, sur demande, d’un atelier pédagogique animé par les comédiens.
La nuit de l’ours – Ignacio del Moral – 1 h 10 – Jusqu’au 31 mars au Théâtre de l’Atalante – 10, place Charles-Dullin, 75018 Paris – Tél. 0146061190 – De 11,80 € à 22 €