Conçue comme provisoire, l’immigration des années 1950 s’est installée et… s’est ridée. « La vieillesse a surpris ces hommes, comme elle a surpris la France » qui n’avait jamais pensé que, venus pour gagner leur vie, les travailleurs étrangers pourraient la finir sur son territoire, expliquent Emmanuel Jovelin, sociologue, et Fatima Mezzouj, chargée de mission au ministère de l’Immigration. Comment expliquer ce non-retour au pays des immigrés âgés ? Pour le savoir, les auteurs ont réalisé une enquête auprès de 64 Maghrébins de 55 à 89 ans. Arrivés en France alors qu’ils avaient une vingtaine d’années, ils sont à peu près aussi nombreux à vivre entourés de leur famille (30) ou à en être séparés (34), sachant que plusieurs parmi ces derniers cherchent à faire venir leur épouse. Sur les 64 enquêtés, un seul veut rentrer vieillir au pays, précisément pour retrouver femme et enfants. N’imaginant pas repartir, les autres sont majoritairement ballottés dans un constant va-et-vient entre ici et là-bas, qui rythme leur retraite. De meilleures conditions de vie en France, notamment sous l’angle des systèmes de soins et de prestations sociales, et les différences de mœurs et de valeurs entre les deux pays constituent les principales raisons de cet arbitrage. Mais au chapitre des gains et pertes du départ, l’attachement à la France pèse aussi de tout son poids, surtout pour ceux comme Mohamed, dont les « enfants sont comme des arbres [qu’ils ont] plantés ici sur cette terre ». Leur propre terre natale, ils y pensent également, mais pour l’ultime retour : 51 personnes sur les 64 interrogées désirent être inhumées dans leur pays d’origine.
Sociologie des immigrés âgés. D’une présence (im)possible au retour (im)possible – Emmanuel Jovelin et Fatima Mezzouj – Ed. du Cygne – 22 €