Réserver le complément de ressources aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) qui disposent d’un logement indépendant, qu’ils vivent seul ou en couple, ne constitue pas une discrimination et ne porte pas atteinte au respect de leur vie privée. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 17 février.
Dans cette affaire, la mère d’un jeune handicapé bénéficiant de l’AAH, agissant en tant que son administratrice, a demandé à la caisse d’allocations familiales (CAF) de la Réunion l’attribution du complément de ressources. Agé de 25 ans, son fils est lourdement handicapé, se déplace en fauteuil roulant et est incapable d’exprimer sa volonté. Il est logé au domicile de sa mère. Or, selon l’article L. 821-1-1 du code de la sécurité sociale, le complément de ressources est réservé, entre autres conditions, aux bénéficiaires de l’AAH qui disposent d’un logement indépendant (1). En vertu de l’article R. 821-5-2 du même code, « n’est pas considérée disposer d’un logement indépendant la personne hébergée par un particulier à son domicile, sauf s’il s’agit de son conjoint, de son concubin ou de la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité ». Sa demande d’attribution du complément de ressources ayant été refusée par la CAF, la mère a porté l’affaire en justice. Le juge de première instance, puis la cour d’appel de Saint-Denis-de-la Réunion, ont donné raison à la caisse, la conduisant à saisir la Cour de cassation.
Selon la mère, l’article R. 821-5-2 du code de la sécurité sociale qui réserve le bénéfice du complément de ressources aux personnes handicapées qui vivent seules ou en couple, en excluant celles qui vivent avec un autre membre de leur famille, introduit une discrimination entre les personnes handicapées. Cette disposition méconnaît en outre le droit de ces dernières de choisir leur mode de vie privée et familiale, estime encore la mère, la jugeant ainsi contraire aux articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Une argumentation que la Cour de cassation n’a pas retenue. Elle rappelle en effet que le complément de ressources a pour objet de permettre aux personnes handicapées « d’acquérir leur autonomie en couvrant pour partie les charges de logement qu’elles supportent ». Et que, sur cette base, l’article R. 821-5-2 n’introduit « aucune discrimination dans le respect de la vie privée et familiale incompatible avec les stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme » (2). Par conséquent, en relevant que la personne handicapée était logée au domicile de sa mère, la cour d’appel en a déduit à bon droit qu’elle ne pouvait pas bénéficier du complément de ressources.
(1) Dans une circulaire du 10 avril 2007, l’administration a indiqué que le logement indépendant doit s’analyser en tenant compte du paiement d’un loyer – Voir ASH n° 2507 du 11-05-07, p. 7.
(2) De son côté, le Conseil d’Etat a estimé, dans une décision du 9 novembre 2007, que la règle posée par l’article R. 821-5-2 n’est pas contraire au principe d’égalité – Voir ASH n° 2535 du 14-12-07, p. 20.