Un très long chemin

Pourquoi le collectif Des ronds dans l’O publie-t-il un tome 2 du recueil de bande dessinée En chemin elle rencontre…(1) sur les violences conjugales ? Parce que le premier volume n’avait pas permis d’aborder tous les angles de ce vaste sujet et, surtout, parce que ces violences persistent. En 2009, 34 auteurs engagés avaient mis leur talent au service de cette cause ; cette année, 21 nouveaux participants – scénaristes et dessinateurs – ont collaboré à cette BD inclassable. L’horizon artistique s’est même élargi à la photographie, avec le travail de Marie-Hélène Loisel, et à la chanson, avec la participation d’Agnès Bihl. Ce deuxième tome met notamment l’accent sur la violence psychologique et le stress post-traumatique. Une autre violence évoquée dans ces pages est celle de la discrimination envers les femmes, notamment les plus précaires, face à une grossesse non désirée. Avec les nombreuses fermetures d’hôpitaux, « le droit à l’interruption volontaire de grossesse est fragilisé. Il a besoin d’être défendu et soutenu », écrit le dessinateur Damien Vanders. A travers les planches intitulées Clara, il a voulu exprimer que « le corps des femmes n’appartient qu’à elles ». La dessinatrice Lætitia Coryn et le scénariste Gilles Rochier abordent, quant à eux, la problématique des femmes violentées qui finissent par tuer leur conjoint… et se retrouvent derrière les barreaux. Ils dénoncent ainsi ce qu’ils estiment être « une double peine ». Inégales, les histoires compilées ici par Marie Moinard, auteure, éditrice et ancienne victime de violences conjugales, ont le mérite de rendre plus percutant le message de lutte contre ces violences. « Parce que la BD touche particulièrement les jeunes, qu’il est essentiel de sensibiliser en priorité pour construire un monde moins violent et moins inégalitaire. Et aussi parce que des jeunes filles pourront se reconnaître dans cette BD, se sentir moins seules et mettre des mots sur des violences qu’elles pourront plus facilement dénoncer », estime Muriel Salmona, psychiatre et victimologue, qui a participé au projet.