« Dans une récente tribune, deux consultants habilités pour l’évaluation externe ont souhaité “engager un débat sur les orientations de l’ANESM”. Encore faut-il, pour cela, faire preuve de rigueur dans le discours comme dans la démarche. Qu’il me soit donc permis de rectifier un certain nombre d’erreurs factuelles qui s’accompagnent malheureusement d’une interprétation parfois erronée des textes.
L’ANESM a deux missions essentielles que lui a confiées le législateur : la première est de produire en cas de carence, ou de valider, des recommandations de bonnes pratiques, références et procédures – qui ne sont pas, en effet, des normes opposables ; la seconde est d’habiliter les organismes en charge de l’évaluation externe.
Première confusion : les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) s’appuient notamment sur les recommandations de l’agence pour mettre en œuvre l’évaluation interne. Celles-ci alimentent des référentiels qui se constituent au sein des établissements et services. Tous les cinq ans, les autorités ayant délivré l’autorisation aux ESSMS se voient remettre les résultats de cette évaluation. Ce dispositif, précisé par la loi du 21 juillet 2009 dite “HPST”, a conduit ainsi ces dernières à accompagner les ESSMS dans l’amélioration de la qualité des activités et des prestations qu’ils délivrent. La loi du 2 janvier 2002 a par ailleurs prévu, en complément, qu’un regard externe soit apporté sur les conditions dans lesquelles l’évaluation interne a été mise en œuvre, sur les points forts et faibles et sur les axes d’amélioration envisageables. Cette évaluation externe permettra ainsi aux autorités d’engager un dialogue avec les établissements et services sociaux et médico-sociaux évalués.
Contrairement à ce qui a été écrit dans la tribune citée, le renouvellement de l’autorisation (et non de l’habilitation) délivrée par les autorités de contrôle et de tarification des ESSMS se fonde exclusivement (article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles) sur les résultats de l’évaluation externe. On pourrait s’attendre à ce que les organismes appelés à procéder à cette évaluation s’attachent a minima à maîtriser le dispositif sur lequel ils sont amenés à intervenir.
Comme l’a rappelé la direction générale de la cohésion sociale devant les représentants des agences régionales de santé (ARS) réunis par l’ANESM le 2 décembre dernier à Paris, il s’agit bien de renouveler les autorisations au regard des activités et de la qualité des prestations délivrées et non de la tarification ou de la planification de l’offre médico-sociale régionale.
Concernant le “ralentissement de la production de l’ANESM”, cinq recommandations ont été publiées en janvier, mars, avril, mai et octobre 2010, comme en témoigne le site de l’agence. Un rythme que les fédérations représentatives du secteur et membres des instances de l’ANESM ont, depuis 2009, trouvé parfois très – sinon trop – soutenu, demandant que les productions soient espacées pour que l’appropriation par les professionnels s’effectue plus facilement. Les participants aux journées interrégionales de l’agence l’ont confirmé.
Revenons sur la mission de contrôle des organismes habilités. Ne créons pas de faux débat : l’évaluation concerne les ESSMS, et le contrôle les organismes que l’agence habilite. A cet égard, il est singulier que l’agence se soit vu interpeller, lors du lancement de la procédure d’habilitation, sur son absence de contrôle a priori des organismes habilités et qu’elle se voie aujourd’hui reprocher la mise en place d’un contrôle a posterioridesdits organismes. Il s’agit là d’une conséquence de la mission d’habilitation confiée à l’ANESM et à ce titre, les articles D. 312-202 et D. 312-199 du code de l’action sociale et des familles en posent le champ et le fondement. L’agence entend ainsi assurer sur ces bases un contrôle du respect de la réglementation. Et offrir aux établissements et services sociaux et médico-sociaux des éléments de transparence portant sur les données moyennes du coût des missions, du nombre de collaborateurs ainsi que sur les compétences mobilisées par catégorie d’établissements.
Il me paraît nécessaire de rappeler que les démarches “négociées” entre les gestionnaires et les organismes habilités ne peuvent s’écarter du cahier des charges fixé par le décret du 15 mai 2007 et des engagements que prennent ces derniers lorsqu’ils demandent leur habilitation. Quant au contrôle “tatillon” que l’agence exercerait, elle s’en tient simplement aux dispositions réglementaires énoncées ci-dessus ! Peut-on, par exemple, considérer que contrôler l’indépendance financière d’un organisme habilité relève d’un exercice “tatillon” ? Découvrir que l’agence en assurera en effet un contrôle et qu’elle se donne les moyens de vérifier que les organismes habilités respecteront leurs obligations d’indépendance, de déontologie et de méthodologie est pour le moins surprenant.
Ce contrôle doit évidemment être rigoureux et s’appuyer, pour cela, sur des compétences idoines. Dans d’autres secteurs qui fonctionnent sur ce schéma (des organismes évalués qui sélectionnent leurs évaluateurs), le contrôle exercé sur ces derniers est compris. C’est aussi, à mes yeux, un gage de transparence au regard des liens financiers et des conflits d’intérêt qui pourraient apparaître.
Crainte aussi au regard de l’“uniformisation” des apports d’évaluation externe ? Evitons, là aussi, la confusion. L’ANESM n’est pas destinataire des rapports d’évaluation mais des rapports d’activité des organismes qu’elle habilite. Les établissements et services sociaux et médico-sociaux sont destinataires des rapports d’évaluation externe réalisés par les organismes habilités. Seules les autorités de tarification et de contrôle sont in fine destinataires des rapports d’évaluation interne et externe envoyés par les ESSMS.
Simplifier le travail des équipes des ARS, des conseils généraux et des directions départementales de la cohésion sociale qui vont, dans un premier temps, devoir d’ici 2017 renouveler l’autorisation de 24 500 établissements et services ne semble donc pas totalement injustifié ! D’ici là, l’ANESM et les autorités concernées ont une formidable opportunité pour accompagner les ESSMS dans l’amélioration des activités et de la qualité des prestations qu’ils délivrent.
Que l’agence propose une synthèse nationale des rapports d’évaluation externe qui soit un outil d’accompagnement pour les autorités relève d’une mission qui lui incombe : celle de participer au dispositif administratif national de renouvellement des autorisations (et non d’habilitation). Cela ne remet en cause ni la légitimité ni les marges de manœuvre des autorités en la matière. Il leur appartient de par la loi et, bien sûr, au regard de la connaissance qu’elles ont localement des ESSMS, de procéder au renouvellement des autorisations.
Aux ESSMS et aux autorités de se saisir de cette obligation d’évaluation pour en faire non pas une procédure administrative classique mais un outil de dialogue et un levier de progrès pour atteindre un objectif commun à l’ensemble des acteurs concernés : l’amélioration du service rendu aux usagers. Et de grâce, ne faisons pas croire aux ESSMS que le contrôle des prestataires de services sur le marché de l’évaluation externe remettrait en cause le fondement de l’évaluation alors même qu’il en renforce la crédibilité ! C’est bien là le vrai débat. Je ne doute pas que la très grande majorité des acteurs du secteur social et médico-social en soit convaincue. »
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