La colère monte dans les agences régionales de santé (ARS). Neuf mois après leur installation, la CFDT-Interco tire la sonnette d’alarme sur la situation de mal-être des personnels. Ces derniers, qui viennent des anciennes directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales (DRASS et DDASS), de l’assurance maladie ou des ex-agences régionales de l’hospitalisation, « sont désabusés », explique Yves Letourneux, secrétaire national de la fédération. Seule organisation syndicale à avoir soutenu la création des ARS dans le cadre de la loi « hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009, la CFDT-Interco constate aujourd’hui que les agences ont été créées « à la hussarde, sans réel pilotage » et que « nous sommes retombés dans un système bureaucratique ». Résultat, les personnels sentent leur travail peu reconnu. En témoigne une pétition élaborée par des agents de l’ARS Ile-de-France en dehors de toute organisation syndicale, qui circule depuis le 10 février, et détaille les « dysfonctionnements subis par les agents des délégations territoriales et du siège ». Ce document pointe « le déni », par la direction de l’ARS, du travail qui était réalisé avant dans leurs services d’origine respectifs, l’opacité de la politique salariale, le sort réservé aux contractuels, la suppression des acquis des agents… Rejetant toute velléité de récupération de ce mouvement, la CFDT-Interco souhaite l’accompagner. Pour ce faire, elle vient de diffuser un questionnaire aux personnels pour comprendre l’impact sur leur travail de la mise en place de l’ARS en Ile-de-France.
Cette situation n’est pas propre à la région parisienne, explique Yves Letourneux. Selon lui, ce malaise – qui monte dans toutes les régions – résulte de la multiplication des niveaux de hiérarchie éloignant l’action de la décision et faisant perdre tout repère aux agents. Les circuits décisionnels auraient dû être discutés collectivement lors de la phase de préfiguration des agences (entre août 2009 et avril 2010), précise-t-il, ce qui n’a pas été fait. Il note aussi que le nouveau service de contrôle des établissements et services médico-sociaux et des lieux de vie et d’accueil, au sein des ARS, « fonctionne très mal. L’articulation de l’action de ce service avec celle du préfet, qui peut aussi ordonner une enquête dans un établissement, n’a pas été étudiée ».
La CGT Affaires sanitaires et sociales, opposée à la création des ARS depuis son origine, dresse un constat similaire, n’hésitant pas à parler d’une souffrance au travail, résultat de « mises au placard, management à la serpe, discours technocratiques parfois humiliants… ». Même écho du côté du Sniass (Syndicat national des inspecteurs de l’action sanitaire et sociale)-UNSA qui indique qu’aucune catégorie de personnel n’échappe aux difficultés engendrées par l’organisation des agences où « centralisation du pouvoir, empilements hiérarchiques, parcellisation des tâches, déresponsabilisation des équipes et des personnes » entraîne « démotivation et perte de sens ».