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Les centres de rééducation professionnelle en sursis ?

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Les centres de rééducation professionnelle jouent un rôle particulier dans l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés en proposant des formations qualifiantes adaptées dans le cadre d’un accompagnement médico-social. Mais, peu nombreux et inégalement répartis sur le territoire, ils sont mal identifiés et connaissent des difficultés de recrutement, accentuées par le désengagement progressif de l’Etat.

Tout le monde s’accorde sur le caractère incontournable de la formation pour améliorer l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Dans la palette des outils existants, les centres de rééducation professionnelle (CRP) offrent des formations sur mesure plus longues (de dix à trente mois), mais forcément plus chères que les formations classiques. Un coût qui suscite régulièrement des interrogations sur la légitimité de ces établissements singuliers fi­nancés par l’assurance maladie (voir encadré, page 29) : « Depuis une vingtaine d’années, les différents partenaires sont invités de façon plus ou moins explicite à privilégier d’autres solutions », déplore Yannick Delaunay, formateur au CRP Suzanne-Masson à Paris (XIIearrondissement) et responsable du collectif CGT des CRP, organisé au niveau national pour défendre la rééducation professionnelle et ses salariés.

Cette frilosité s’est accentuée à partir de 2005. En misant sur l’accès des travailleurs handicapés aux formations professionnelles de droit commun (qui doivent tout de même être adaptées), la loi « handicap » du 11 février 2005 a paradoxalement contribué à marginaliser les formations proposées dans le cadre de la rééducation professionnelle. Théoriquement, les travailleurs handicapés qui en ont besoin ­peuvent continuer de bénéficier des CRP. Sauf qu’en pratique, il devient très difficile d’y accéder.

Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui orientent vers ces établissements par le biais des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), ne sont pourtant pas hostiles à la rééducation professionnelle. « Si le dossier est bien ficelé, elles se montrent en général favorables à une orientation en CRP », explique Félix Abécia, secrétaire général de la Fédération des associations, groupements et établissements pour la réadaptation des personnes en situation de han­dicap (Fagerh) (1). Le problème majeur se situe, selon lui, en amont, dans le défaut d’identification de ces établissements : « Les CRP n’ont pas les moyens de rivaliser avec les campagnes de communication de l’Agefiph [Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées] : ils sont tellement peu connus que de nombreuses personnes qui pourraient y prétendre en sont privées, faute d’être informées de leur existence par leur médecin ou les travailleurs sociaux qui les suivent. »

Et même quand les personnes handicapées connaissent le dispositif, certaines mesures discriminatoires – par exemple : le transport d’un travailleur handicapé est pris en charge si c’est une formation de droit commun, pas si c’est en CRP – peuvent décourager les plus motivées de faire valoir leur droit à la rééducation professionnelle.

A cela, s’ajoute un processus d’orientation complexe que le transfert de la quasi-totalité des psychologues du travail des services d’orientation professionnelle (SOP) à Pôle emploi en avril 2010 a rendu encore plus illisible. Jusque-là, ces professionnels de l’AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes), membres de l’équipe technique des CDAPH, étaient les principaux prescripteurs d’actions de rééducation professionnelle. Leur rattachement à Pôle emploi, dans le cadre des prestations d’orientation professionnelle spécialisée (POPS), effectué sans préparation – « dans la confusion, sans logique nationale et sans garantie sur la poursuite de leur mission », notait la CGT en mai 2010 – les empêche de s’investir pleinement dans cette mission.

Pénurie de candidats

A défaut d’être suivis par les psychologues du travail, les travailleurs handicapés sont pris en charge par les conseillers des Cap emploi (financés par l’Agefiph) ou de Pôle emploi qui n’ont pas la même expertise pour évaluer leur niveau scolaire et leur projet professionnel, et dont la mission est d’orienter vers des organismes de formation de droit commun, et non vers les CRP. Quand ils ne sont pas dirigés vers des formations courtes, non qualifiantes et globalement inadaptées, nombre de ces travailleurs handicapés se retrouvent tout simplement au chômage. Ils doivent alors faire preuve de beaucoup de persévérance – l’expression « parcours du combattant » (voir encadré, page 31) est sur toutes les lèvres – pour bénéficier d’une place en CRP, parfois après plusieurs années marquées par le déclin des fonctions d’apprentissage et l’apparition de problèmes financiers, facteur de mal-être et de dépression.

Dans ce contexte et malgré des besoins incontestables, des CRP commencent à connaître des difficultés de recrutement. « Certains établissements n’arrivent plus à remplir leurs stages », s’inquiète Félix Abécia. La répartition inégale des centres sur le territoire ne simplifie pas les choses : l’Ile-de-France regroupe près d’un quart des places alors que certaines régions n’en comptent guère, à l’instar de Poitou-Charentes, ce qui suppose, de la part des travailleurs handicapés, une mobilité et l’acceptation d’une vie en internat qui sont rarement adaptées à leur situation. « Le handicap est déjà difficile à gérer. Alors si, en plus, il faut organiser les déplacements pour se rendre au CRP, cela devient très complexe », explique Félix Abécia. « L’inégalité de l’offre pénalise les personnes les plus éloignées », observe aussi Alain Blanc, professeur de sociologie à l’université Pierre-Mendès-France à Grenoble (2). « Il faudrait au moins un CRP par département, notamment pour des stages de pré-orientation », poursuit Félix Abécia. Pour l’heure, faute de volonté politique, la Fagerh se retrouve bien seule pour accompagner les candidats à l’ouverture de CRP (3).

A l’heure où le public évolue vers des problématiques psychiatriques ou de déso­cialisation plus lourdes, la multiplication des places serait pourtant accueillie avec satisfaction par les MDPH. « Quand une personne cumule un handicap et des difficultés sociales, comment voulez-vous qu’elle suive une formation normale ? », s’interroge Didier Tariant, référent « insertion » de la MDPH de Seine-Saint-Denis, qui voit dans les CRP des « partenaires incontournables ». D’autant que les formations qui y sont dispensées ont de très bons résultats : en 2009, selon la Fagerh, près des trois quarts des stagiaires ont en­tièrement validé leur titre professionnel et 70 % ont trouvé un emploi dans l’année (4). « Ce sont des résultats très intéressants étant donné le niveau initial – le CAP pour la plupart – des personnes accueillies », note Isabelle Mérian, directrice de la Fagerh. Selon Alain Blanc, qui salue la qua­lité globale de l’accueil dans ces établissements, « le dispositif a fait ses preuves » et il n’est même pas besoin d’en appeler au taux de placement à la sortie – lequel suppose une totale adéquation entre la formation et l’emploi, ce qui n’existe pas – pour juger de sa pertinence. Leur principale qualité serait surtout de proposer une formation longue, condition indispensable pour permettre une « acclimatation » au handicap : « Les gestionnaires trouvent les CRP trop coûteux mais il faut du temps pour se faire à l’idée du handicap et acquérir de nouvelles compétences et postures professionnelles », poursuit le sociologue.

Des débouchés dans les PME

Preuve que les CRP relèvent le défi : ce sont les petites et moyennes entreprises (PME), qui n’ont pourtant pas d’obligation en matière d’embauche de travailleurs handicapés, qui recrutent le plus à la sortie : 70 % de ceux qui trouvent du travail à l’issue de leur formation sont embauchés dans des entreprises de moins de 50 salariés et 50 % dans celles de moins de 20 salariés. « Celles-ci embauchent en fonction des compétences dont elles ont besoin, sur de vrais métiers, et pas pour ne pas payer de pénalités », insiste Isabelle Mérian.

Pour favoriser le placement des stagiaires, des CRP mettent en place des formations innovantes. A l’instar du centre de réadaptation de Coubert (Seine-et-Marne) qui a conçu une formation d’attaché commercial, option banque, où les cours délivrés par l’établissement sont complétés par des interventions de formateurs du CFPB, l’organisme de formation du secteur bancaire. « Ce type de dispositif a l’intérêt d’impliquer les stagiaires dans l’entreprise dès le premier jour de formation, de croiser les compétences et références culturelles des formateurs des CRP et des formateurs des entreprises et de développer une meilleure connaissance du public handicapé par les entreprises », explique Hervé Leroch, directeur de l’établissement. Il élabore, sur le même modèle, une formation d’attaché commercial en retraite et prévoyance et, pour un public déficient auditif, une formation de télévendeur et télé-conseiller.

En amont de la formation qualifiante, des stages de pré-orientation d’une durée de huit à douze semaines permettent de définir un projet adapté compatible avec les aspirations et les nouvelles capacités de la personne handicapée ainsi qu’avec le marché du travail. A l’instar du stage ISE (vers les métiers de l’industrie et des services aux entreprises) proposé par le CRP Suzanne-Masson, qui s’adresse à des personnes en capacité de suivre une formation qualifiante mais dont le projet professionnel reste à construire ou qui ont besoin d’être redynamisées. Pendant quatre mois, celles-ci participent à des ateliers collectifs de remobilisation, travaillent sur leur projet professionnel, renouent avec l’entreprise lors de stages tout en bénéficiant, en parallèle, d’un accompagnement individuel effectué par une équipe pluridisciplinaire constituée d’un psychologue clinicien à mi-temps, d’une as­sistante sociale et d’une infirmière : « Ce travail collectif qui prend en charge la personne dans son intégralité lui permet de relever la tête et de retrouver une vie sociale », explique Yannick Delaunay. Au CRP Suzanne-Masson, la pré-orientation n’accueille qu’environ 20 % des stagiaires. Mais, dans de nombreux établissements, la tendance est au développement massif des stages de pré-orientation, plus faciles à remplir, au détriment de la formation qualifiante.

D’aucuns voient dans cet abandon progressif de la formation qualifiante une remise en question des missions des CRP. A L’ADAPT (Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées), c’est pourtant la voie poursuivie. L’association nationale a même développé un concept en ce sens : la formation « Hors les murs ». L’idée, qui se met en place petit à petit, consiste à recentrer les CRP sur l’accompagnement médico-social et la pré-orientation en sous-traitant la formation qualifiante au privé. « Cette ouverture permettra d’élargir l’offre de formation en assurant une complémentarité entre les acteurs », explique Valérie Paparelle, directrice de L’ADAPT Val-d’Oise. Elle y voit une piste d’avenir permettant aux personnes handicapées d’accéder à des formations qui ne sont pas proposées en CRP. Mais, pour d’autres, cette stratégie signe la mort des centres de rééducation professionnelle : « Comment continuer à accompagner au quotidien les stagiaires si la formation est externalisée ? Et quid de la durée de ­formation qui sera identique à une for­mation normale ? Sans compter qu’aucun niveau de formation n’est exigé pour rentrer en CRP, ce qui n’est pas le cas pour une formation classique », dénonce Yannick Delaunay pour qui la formation « Hors les murs » de L’ADAPT « anticipe les exigences gouvernementales ».

Or, pour la Fagerh comme pour le collectif CGT de défense des CRP, ces dernières ne présagent rien de bon. Après une première mobilisation en 2008, le collectif CGT a organisé une journée nationale d’action des CRP en mai dernier pour exprimer « ses craintes quant au risque de marginalisation, voire de disparition des centres de rééducation professionnelle ». A cette occasion, une délégation de personnels et de stagiaires, forte d’une pétition signée par plus de 2 400 personnes, a été reçue au ministère de l’Emploi.

La CGT s’inquiète notamment de la réduction du nombre de titres professionnels de niveau V alors que ce sont les plus accessibles aux personnes handicapées. « S’ils disparaissent, 60 à 70 % des stagiaires ne pourront plus accéder aux CRP », commente Yannick Delaunay. En 2009, certains titres de niveau V en informatique ont été menacés de disparition. Idem pour le titre de niveau V en secrétariat, « régulièrement sur la sellette », selon la CGT. « On a néanmoins fini par avoir globalement gain de cause, notamment en électronique : il reste deux titres de niveau V alors qu’il était prévu d’en éliminer un », explique Yannick Delaunay.

Autre sujet brûlant : la rémunération des stagiaires. Alors que son financement est normalement pris en charge par l’Etat – avec, en Ile-de-France, une participation de la région –, un prélèvement de 50 millions d’euros a déjà été opéré en 2008 sur le budget de l’Agefiph. Pour 2011, l’Etat a décidé, dans le cadre de la loi de finances, de ponctionner de 126 millions le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). « Ce fonds n’a pas été créé pour cela », s’inquiète Isabelle Mérian qui revendique un financement pérenne. Le désarroi est d’autant plus grand que, selon une information de la DGEFP (délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle), l’enveloppe de rémunération des stagiaires de la formation professionnelle pour 2011 serait en baisse de 7 %. Ce qui risque de porter atteinte au droit à la formation des personnes, s’alarme la Fagerh, qui a interpellé les ministres concernés.

Au-delà, les acteurs des CRP se préoccupent plus globalement des restrictions budgétaires qui accompagnent la mise en place des outils de convergence tarifaire. « Avec les ARS [agences régionales de santé], la logique comptable se fait plus forte puisque seuls sont pris en compte des indicateurs économiques : nous allons bientôt devoir nous aligner sur un prix de journée moyen », explique Noël Covelli, formateur au CRP Louis-Gatignon à Vouzeron (Cher). Conséquence déjà perceptible : une mise en concurrence des CRP entre eux ; l’établissement Louis-Gatignon se voit par exemple reprocher d’être 30 % plus cher que ses voisins sans que soient pris en compte le type de formation et l’accompagnement proposés. D’ores et déjà, des centres ont tendance à tirer les coûts vers le bas, ce qui se traduit par le non-remplacement du personnel, des licenciements, l’externalisation de services, la remise en question des accords d’entreprise…

Dans ce contexte tendu, l’Etat poursuit son désengagement. La loi de finances pour 2011 transfère à l’Agefiph la gestion de certains dispositifs de service public liés à l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Incongruité, selon Félix Abécia : « L’organisme gestionnaire de fonds pour l’insertion en milieu ordinaire devient donneur d’ordre en matière d’évaluation médico-psycho-sociale des situations de handicap. » Cela risque « de renforcer le rôle de l’Agefiph dont la mission est de conseiller et de contribuer au financement des projets et d’orienter vers les établissements de droit commun et non vers les CRP », s’alarme la CGT. Autre motif d’émoi : ce transfert devrait se faire à moyen constant pour l’Agefiph. De quoi mettre en colère tout le secteur de l’insertion professionnelle des personnes handicapées : « Au-delà du désengagement po­litique, l’Etat fait des économies sur la politique du handicap. C’est un très mauvais signal pour la préparation de la conférence nationale du handicap » prévue en 2011, dénonce la Fagerh.

Face à cette fragilisation du droit à la rééducation professionnelle, la CGT a demandé l’organisation d’une table ronde avec les ministères concernés. Malgré les promesses, le syndicat n’a toujours pas eu de réponse et il se dit prêt à se mobiliser à nouveau s’il n’est pas entendu rapidement. Las, les coups de boutoir contre les CRP sont à replacer dans un mouvement d’ensemble de fragilisation du service public de l’emploi – comme le montre la situation préoccupante à Pôle emploi et dans les missions locales. A l’instar des jeunes et des personnes très éloignées de l’emploi, les personnes handicapées risquent d’en faire les frais plus que les autres. Dès 1997, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales avançait que les CRP étaient un « outil globalement de qualité qui a fait ses preuves et qu’il serait dommage de laisser perdre » (5). Pourtant, près de 15 ans plus tard, les CRP semblent – une fois de plus – en danger.

LA RÉÉDUCATION PROFESSIONNELLE : UN DROIT FINANCÉ PAR LA SÉCURITÉ SOCIALE

Il existe environ 90 centres de rééducation professionnelle (CRP) en France, dont un bon tiers sont des internats. Contrairement aux organismes de formation classiques, ceux-ci sont des établissements médico-sociaux chargés de mettre en œuvre le droit à la rééducation professionnelle. Né au lendemain de la Première Guerre mondiale afin de permettre aux mutilés de guerre de se former à un nouveau métier compatible avec leur état de santé, ce droit spécifique, reconnu par le code du travail (6) est financé depuis 1945 par la sécurité sociale. Il concerne aujourd’hui surtout des personnes qui ont une déficience non congénitale, acquise à la suite d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle (pour 20 % d’entre eux) ou d’une maladie ou d’un accident de la vie privée (70 %). « Ce sont des personnes qui sont devenues handicapées – par exemple à la suite d’un cancer – et qui, du coup, ne se vivent pas comme telles », précise Isabelle Mérian, directrice de la Fagerh (7).

Aussi s’agit-il, pour ces structures qui se situent à la croisée du médico-social et de la formation professionnelle, non seulement d’aider la personne handicapée à s’insérer dans le milieu ordinaire de travail – seule une infime minorité sera dirigée vers le milieu protégé – via une pré-orientation, une préformation ou une formation qualifiante. Mais aussi de l’aider à « se reconstruire » à travers un accompagnement global effectué par une équipe pluridisciplinaire constituée de formateurs, de médecins, d’infirmières, de psychiatres ou de psychologues, de professions paramédicales (kinésithérapeute par exemple) et de travailleurs sociaux. A la différence du droit à la formation continue, arrivé beaucoup plus tardivement, le droit à la rééducation professionnelle doit ainsi permettre à une personne de changer complètement de profession si son handicap le rend nécessaire.

Orientées en CRP par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées après avoir été reconnues « travailleurs handicapés », les personnes accueillies – environ 11 000 par an (8) – ont le statut de stagiaires de la formation professionnelle et sont rémunérées sur la base de leur ancien salaire (avec un minimum de 652 € et un maximum de 1 932 € par mois) Pour la plupart en situation de décrochage social et professionnel, ce sont plutôt des hommes, jeunes, qui ont un faible niveau de qualification et qui, pour la moitié, présentent de multiples pathologies.

Concernant plus précisément les formations qualifiantes, les CRP proposent des stages adaptés au public handicapé, plus longs que dans le milieu ordinaire (entre dix et trente mois), avec de nombreuses mises en situation professionnelle via des stages en entreprise. La plupart débouchent sur des diplômes homologués par l’Etat (de niveau V à niveau III) dans de très nombreux secteurs d’activité (240 formations sont proposées dans 14 secteurs, dont 60 % au niveau CAP). Certains services sont spécialisés dans l’accueil de pathologies spécifiques (déficiences visuelles, problèmes de santé mentale…) ou de publics particuliers (jeunes avant leur premier emploi). D’autres se développent sur des formations de niche : horlogerie, ingénierie logicielle…. Certains CRP comptent des unités d’évaluation, de réentraînement et d’orientation sociale et professionnelle (UEROS) qui accueillent uniquement des personnes cérébro-lésées.

INQUIÉTUDE SUR L’ORIENTATION EN CRP

Depuis leur transfert à Pôle emploi, « certains psychologues-orienteurs n’ont même plus de bureau… », déplore Yannick Delaunay, formateur au CRP Suzanne-Masson à Paris (XIIe arrondissement). D’autres se voient confier des tâches nouvelles qui restreignent le temps dévolu à l’orientation au sein des CDAPH (commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées). Comment, dans ces conditions, ces psychologues du travail jusque-là rattachés à l’AFPA et mis à disposition des MDPH (maisons départementales des personnes handicapées), peuvent-ils poursuivre leur mission et continuer à orienter, le cas échéant, en CRP ? « On a de plus en plus de demandes et de moins en moins de moyens pour évaluer les personnes handicapées : il y a un immense décalage entre les discours tenus par la direction de Pôle emploi et la réalité », déplore Didier Tariant, référent insertion de la MDPH de Seine-Saint-Denis. Cette structure, qui réalise 300 à 350 orientations en CRP par an, a refusé de signer un avenant lui proposant de diminuer d’un tiers les prestations des psychologues du travail pour 2010… Du côté de Pôle emploi, on temporise en affirmant que les engagements vis-à-vis des MDPH ne sont pas remis en cause. Reste que, dans l’attente de la renégociation de la convention entre les MDPH et Pôle emploi, rien n’est encore décidé sur la forme et le volume que prendront les prestations des psychologues du travail. A la Fagerh (9), on se dit « vigilant ».

COLETTE LEMAÎTRE
TÉMOIGNAGE

57 ANS, EST STAGIAIRE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE AU CRP DE COUBERT (SEINE-ET-MARNE).

« Négociatrice en immobilier de métier, j’ai été déclarée inapte par la médecine du travail après plusieurs maladies. A Pôle emploi, on m’a dit que, vu mon âge, ce n’était plus la peine de chercher du travail… Orientée vers la MDPH [maison départementale des personnes handicapées], j’ai rempli avec mon médecin traitant un dossier pour obtenir le statut de travailleur handicapé. Pendant les trois ou quatre mois d’attente, Pôle emploi ne voulait plus avoir affaire à moi, puisque j’étais selon lui entre les mains de la MDPH. Or les pièces à fournir sont très compliquées, il manque toujours quelque chose : une radio, le compte-rendu d’une opération… J’ai finalement reçu une convocation de la MDPH pour un entretien à l’issue duquel mon inaptitude a été validée. Trois mois plus tard, la MDPH m’a proposée un stage de pré-orientation dans un centre de rééducation professionnelle (CRP) que j’ai effectué en internat car mon domicile était situé à plus de 60 km. Dans ce stage, j’ai effectué de nombreux tests en lien avec des psychologues et des médecins afin de voir ce dont j’étais capable et j’ai réalisé plusieurs stages en entreprise pour m’orienter vers un métier qui me plaise. J’ai eu beaucoup de chance car j’ai pu commencer ma formation actuelle d’“attaché commercial option banque”, toujours en internat, seulement deux mois après la fin du stage de pré-orientation. Comme il y a très peu de CRP en France, les 12 places ont été remplies en une seule journée. D’autres travailleurs handicapés doivent attendre un an, voire un an et demi, avant d’avoir de la place dans la formation qui les intéresse – souvent sans revenu car leurs droits au chômage sont épuisés et ils n’atteignent pas les 80 % d’invalidité nécessaires pour toucher l’AAH [allocation aux adultes handicapés]. Dans ces conditions, la situation financière peut vite devenir catastrophique !

La formation en internat, ce n’est pas facile, il faut supporter la vie en collectivité, les sanitaires communs et les chambres vétustes : c’est une coupure totale dans ma vie qui va durer 16 mois au total. Quand je rentre chez moi le week-end, je suis déboussolée. Mais l’encadrement est très intéressant : l’équipe médicale me soutient dans les moments difficiles où la santé flanche et les formateurs sont très efficaces. Trois stages de cinq semaines chacun sont prévus en agence bancaire. Une formation AFPA classique aurait été trop fatigante pour moi, j’ai besoin d’aménagements, et notamment de pauses pendant les cours. Cette formation est une opportunité formidable qui me donne de l’espoir pour redémarrer une autre vie. Je suis prête à déménager pour obtenir le poste qu’on me proposera. »

PROPOS RECUEILLIS PAR C. S.-D.

Notes

(1) La Fagerh fédère la majorité des établissements de reconversion professionnelle – Fagerh : 8, impasse Druinot – 75012 Paris – Tél. 01 44 74 34 40 - www.fagerh.fr.

(2) Il a coordonné l’ouvrage L’insertion professionnelle des travailleurs handicapés – PUG, 2009.

(3) Comme en Guadeloupe, où le premier centre hors métropole ouvrira ses portes en 2011.

(4) L’enquête Etablissements sociaux 2006 – Handicap relative aux CRP présente des chiffres moins favorables. Mais ceux-ci portent sur l’ensemble des personnes sorties de CRP en 2006 et non uniquement sur celles qui ont validé leur formation – Disponible sur www.sante-sports.gouv.fr/IMG/pdf/seriestat141-t1-3.pdf.

(5) Voir ASH n° 2036 du 12-09-97, p. 5.

(6) L’article L. 5213-3 du code du travail stipule que « tout travailleur handicapé peut bénéficier d’une réadaptation, d’une rééducation ou d’une formation professionnelle ».

(7) Fédération des associations, groupements et établissements pour la réadaptation des personnes en situation de handicap.

(8) A rapporter aux 300 000 travailleurs handicapés reconnus chaque année par les MDPH.

(9) Fédération des associations, groupements et établissements pour la réadaptation des personnes en situation de handicap.

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