Recevoir la newsletter

Nouveau refus d’une « instrumentalisation » de la prévention

Article réservé aux abonnés

« De nouvelles mesures » avant l’été sur la délinquance des mineurs. C’est ce qu’a annoncé le chef de l’Etat le 9 février lors de son allocution télévisée. Selon quelles orientations ? Les travaux sur la réforme de l’ordonnance de 1945 n’ont plus fait parler d’eux depuis plusieurs mois. Et l’accumulation de rapports commandés par l’exécutif, alors que la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure a déjà arrêté un certain nombre de mesures pour les mineurs (1), donne l’impression d’une réflexion en ordre dispersé.

Pour autant, certaines pistes récurrentes inquiètent les professionnels. C’est le cas de la « prévention précoce » préconisée dans le rapport du député (UMP) Jacques-Alain Bénisti, sept ans après sa proposition de repérer les comportements délinquants dès l’âge de 3 ans, qui avait suscité un tollé des professionnels de l’éducation et de l’enfance. Si le député affirme désormais s’opposer à la « logique répressive du tout sécuritaire » et prône notamment un « code de l’enfant » rassemblant les dispositions civiles et pénales, « les mêmes présupposés erronés persistent », s’insurge le collectif Pas de zéro de conduite. C’est le cas lorsque le député du Val-de-Marne affirme l’existence d’un certain nombre de points communs parmi les mineurs délinquants « dès leur plus jeune âge ». Le collectif monte une nouvelle fois au créneau contre les amalgames. « Que vient faire la prévention de la souffrance psychique et des difficultés de développement des jeunes enfants dans la galère de la prévention de la délinquance ? », met-il en garde. Il juge tout aussi « hors sujet » les propositions sur le « développement de la capacité langagière d’un enfant », « la culture précoce de la parentalité », ou visant à « rendre les écoles maternelles obligatoires pour les enfants de 3 ans ». Non loin des propositions de l’ancien secrétaire d’Etat à la justice Jean-Marie Bockel, les « cours de parentalité » préconisés renvoient à une logique « fondée notamment sur l’infantilisation, la suspicion et la sanction à l’égard des parents, et sur une nouvelle tentative de mettre au carré les professionnels en leur assignant une mission de pistage et de contrôle qui dévoie la pratique et l’éthique de leurs métiers », estime-t-il encore. Le collectif réaffirme que « la prévention prévenante est une finalité en soi qui n’a pas à se légitimer à l’aune des politiques de sécurité » et refuse « de laisser orchestrer une politique de l’enfance rétrécie à la prévention de la délinquance par les ministères de l’Intérieur ou de la Justice ».

Les professionnels partagent le désagréable sentiment d’une « agitation politique » sur le sujet, sans que leurs préconisations soient prises en compte. « Tant que ne prévaudra pas une approche socio-éducative, avec l’analyse des causes socio-économiques de la délinquance, on ira dans le mur », s’exaspère Bernard Heckel, directeur du Comité national de liaison des associations de prévention spécialisée (CNLAPS). Jean-Pierre Blazy, maire de Gonesse (PS) et co-président du groupe de travail sur la prévention de la délinquance au Conseil national des villes, conteste à ce titre l’utilisation des crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, dont « les crédits consacrés à la vidéoprotection sont disproportionnés » par rapport à ceux dédiés aux actions éducatives et sociales.

Du côté des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, l’antienne réitérée par le chef de l’Etat, selon laquelle « un mineur d’aujourd’hui n’a rien à voir avec ce qu’était un mineur en 1950 », suscite aussi des inquiétudes. L’UNSA-Syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse rappelle ainsi que « depuis trois ans, le budget de la protection judiciaire de la jeunesse subit d’importants abattements au détriment, en premier lieu, des jeunes que cette administration du ministère de la Justice a pour mission de prendre en charge ». L’organisation dénonce de nouveau des orientations « provoquant des ruptures dans la continuité des interventions des professionnels auprès des adolescents confiés et de leurs familles ». Et renvoie le sujet de la délinquance des mineurs à « l’incurie » du gouvernement.

Notes

(1) Voir ASH n° 2696 du 11-02-11, p. 5.

Sur le terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur