« Pères » illégitimes

Premier mode d’accueil des enfants confiés en protection de l’enfance, le placement familial est un domaine de recherche florissant. Cet ouvrage collectif coordonné par Hélène Join-Lambert Milova, enseignante-chercheuse en sciences de l’éducation, témoigne de quelques-uns des questionnements qui le traversent. Certains d’entre eux ont trait à l’évolution du métier d’assistante familiale, qui s’est structuré et professionnalisé au cours des trente dernières années. Analysant les effets positifs de cette évolution, Anne Oui, chargée de mission à l’Observatoire national de l’enfance en danger, pointe également les limites de ce mouvement d’institutionnalisation. Parmi celles-ci, l’absence de visibilité sociale du conjoint de l’assistante familiale lui semble particulièrement dommageable. De fait, même si, comme le montre Séverine Euillet, chercheuse en psychologie, l’assistante familiale est bien la « clé de voûte du système relationnel » que constitue l’accueil familial, les pères d’accueil ont une fonction qui est loin d’être négligeable. Comment les intéressés vivent-ils cette paternité sociale ? Veillant à ne pas se substituer au père des enfants confiés, les conjoints d’assistantes familiales se situent un peu sur le même registre que les beaux-pères des familles recomposées, qui partagent avec leur épouse le suivi éducatif des enfants de celle-ci, explique Emmanuelle Martins, formatrice en travail social. Mais jouer un rôle de père sans en avoir la légitimité est une position difficile à tenir, en particulier lorsqu’il s’agit d’exercer son autorité. Cela se vérifie avec les jeunes accueillis, mais aussi, le cas échéant, avec les travailleurs sociaux des équipes de placement. Les pères d’accueil peuvent, en effet, être confrontés à des décisions émanant de ces professionnels qui vont à l’encontre de leurs choix.