Alors que vient d’être diffusée la circulaire relative au conventionnement des missions locales pour la période 2011-2013 (voir ce numéro, page 20), la CGT des missions locales et PAIO (permanences d’accueil, d’information et d’orientation) tire à boulets rouges contre les conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO). Ces nouvelles modalités de financement, instaurées en 2008 pour tenir compte de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), visent à sécuriser le financement des structures dans le cadre d’un dialogue de gestion fondé sur leur activité et leur performance, à partir d’indicateurs de résultats.
Pour connaître les effets de cette réforme sur le service rendu aux jeunes et sur les conditions de travail, l’organisation a, pendant l’été 2010, lancé une enquête auprès de 4 000 salariés du réseau, dont près de 700 ont répondu. Premier élément qu’elle relève : 66 % des salariés ignorent le projet associatif de leur structure. Elle voit dans ce manque de communication une absence de transparence et un glissement « vers une logique financière », ce document permettant de « diffuser les priorités définies par le conseil d’administration ». Les éléments constitutifs de la CPO ainsi que les indicateurs fixant les objectifs à atteindre, eux, sont communiqués à 78 % des répondants. Mais seuls 40 % ont été sollicités par leur direction pour partager les diagnostics et discuter des indicateurs. Pour les autres, « le sens du travail se perd au détriment d’objectifs froids à atteindre ».
Contrairement aux assurances de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, indique le syndicat, « 70 % des salariés ont des objectifs individuels issus de la CPO », ce qui place le travail d’insertion « dans une logique de résultats » en termes d’emploi. Et 80 % estiment même « subir une certaine pression découlant d’objectifs à atteindre ». Pour plus d’un quart, « des conséquences individuelles sont annoncées en cas de non-atteinte des objectifs ».
Au final, pour plus de 66 % des répondants, en dégradant les conditions de travail, « en mettant en avant la logique financière et de concurrence », la CPO a amoindri le service rendu aux jeunes. Confortée par ces résultats, la CGT « demande la fin des CPO sous leur forme actuelle et la prise en compte dans le financement de tous les aspects du travail accompli en mission locale, ainsi que de la qualité du management ».
S’il porte sans surprise « un regard plus nuancé » sur la question, Jean-Patrick Gille, président de l’Union nationale des missions locales (UNML) et député (PS) d’Indre-et-Loire, juge que l’étude de la CGT « pose un débat intéressant au cœur du dialogue social dans le réseau ». Les CPO, explique-t-il, consacrent le mandatement des missions locales par l’Etat, qui n’est cependant pas leur seul donneur d’ordre. « Mais les indicateurs de gestion qu’elles fournissent ne doivent pas constituer la feuille de route des structures, estime-t-il. Il faut distinguer cet outil du projet associatif et à ce titre, l’alerte de la CGT est salutaire. »
L’UNML devrait prochainement prendre position sur la nouvelle circulaire relative aux conventionnements des structures. En attendant, elle déplore la suppression des crédits du plan de relance dans le budget 2011 des missions locales. « Le contrat de 900 salariés va prendre fin. C’est dommageable, notamment parce qu’on voyait apparaître les premiers résultats des démarches vers les entreprises. C’est là une grosse contradiction de l’Etat », ajoute son président.