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Lutte contre la maltraitance financière des personnes âgées : le médiateur de la République juge la loi « tutelles » inadaptée

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En octobre dernier, le médiateur de la République a lancé une mission sur la maltraitance financière (vol, procuration frauduleuse, signature forcée…) dont peuvent être victimes les personnes âgées résidant dans des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Le 9 février, son président, Alain Koskas, a rendu public son rapport (1), qui part du constat que la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs est méconnue de tous et se révèle imparfaite. Il critique par exemple la limitation à cinq ans des mesures de protection, le rôle de filtre du procureur de la République qui fait disparaître la saisine d’office du juge des tutelles ou encore la faiblesse du contrôle du mandat de protection future (2).

Améliorer la connaissance de la loi

« La loi est insuffisamment connue par les professionnels chargés de la mettre en œuvre », relève le rapport. Et en particulier par les mandataires familiaux, qui sont ceux qui reçoivent le moins de formation. Aussi l’auteur préconise-t-il de leur « organiser des formations régulières à l’échelon local [diligentées] par des mandataires judiciaires par exemple, avec une supervision par le juge des tutelles et le greffier en chef », de leur distribuer systématiquement des « opuscules du style questions/réponses » ou encore de leur désigner un « référent juridique, par exemple dans les maisons de justice », chargé de les éclairer sur leurs missions. Font aussi l’objet de critiques les médecins agréés chargés d’éclairer le juge des tutelles sur la situation de la personne à protéger et de déterminer si celle-ci est en mesure de s’exprimer devant lui. Lors de ses auditions, la mission a en effet constaté qu’« il y avait beaucoup de certificats médicaux de dispense d’audition », les médecins ne paraissant pas percevoir la notion du « sur mesure ». Or, rappelle-t-elle, « l’intérêt de l’audition par le juge des tutelles est de permettre une adaptation au plus près de la mesure de protection ». Alain Koskas estime qu’il faut donc « les sensibiliser sur le caractère exceptionnel de la dispense d’audition ». Il propose pour cela d’« organiser des rencontres entre les médecins agréés, les juges des tutelles et les avocats afin qu’il puisse y avoir des échanges sur les pratiques et un dialogue sur ce que les uns et les autres attendent de leurs interlocuteurs ». De façon plus générale, la mission suggère de mettre en place des actions de sensibilisation du grand public sur les mesures de protection, sur la nécessité d’anticiper pour soi et pour autrui, sur la vigilance à l’égard de l’existence et des formes de maltraitance financière, et sur le mandat de protection future.

Mieux évaluer la situation de la personne à protéger

Afin de permettre au juge des tutelles de personnaliser les mesures de protection, il conviendrait d’« envisager auparavant un audit pluridisciplinaire soucieux de ne rien laisser dans l’ombre ». Il pourrait s’agir d’un « audit juridique civil », qui consisterait en une description de la situation personnelle, familiale et patrimoniale de la personne au moment de la requête (besoins médicaux, entourage familial, amical ou social, patrimoine…). Celui-ci aurait lieu « au moins une fois tous les cinq ans ou à chaque moment majeur de la vie ».

Autre élément d’évaluation de la situation de la personne vulnérable, le certificat médical rédigé à l’attention du juge des tutelles au moment de la requête de mise sous protection. Les critiques fusent à son égard, note la mission : « devant être précis et circonstancié, il peut l’être comme ne pas l’être », « enfermé dans le formulaire actuel, il évalue mal, préconise peu et n’explique pas » et, d’ailleurs, certains médecins « renseignent les rubriques a minima ». « Tous regrettent la version précédente de ce certificat qu’il serait aisé de restituer », lance Alain Koskas. Qui déplore par ailleurs que le médecin traitant ainsi que les médecins hospitaliers ou des maisons départementales des personnes handicapées, « pourtant scrupuleusement au fait du passé médical parfois complexe du patient et aptes à garder le contact avec la personne dont ils conservent la confiance », aient été écartés de la possibilité d’être inscrit sur la liste des médecins agréés auprès du juge des tutelles. En outre, le certificat médical comportant un nombre limité de questions – « en retrait par rapport à celui qui existait avant la promulgation de la loi de 2007 » –, le président de la mission préconise d’instituer, à côté de l’examen médical sur les capacités décisionnelles restantes, « un examen psycho-social du contexte environnemental [qui] permettra d’analyser avec discernement la situation du majeur à protéger ». Et, pour ce faire, propose d’« élargir le nombre et la qualification des experts auprès du juge des tutelles ».

Renforcer les moyens du juge

Face au besoin d’évaluation pluridisciplinaire des personnes à protéger ainsi qu’au besoin de temps et de ressources pour approfondir la connaissance de ces personnes et contrôler les comptes tenus par les mandataires, la mission plaide pour l’instauration de « véritables tribunaux des tutelles avec une création significative de postes de magistrats et de greffiers, cette création [devant être] actualisée tous les deux ans compte tenu de l’évolution exponentielle des besoins ».

Par ailleurs, relève le rapport, la maltraitance financière est souvent infligée par des proches. Or ceux-ci sont couverts par une immunité pénale. Aussi la mission relaye-t-elle la proposition d’avocats de faire adopter une loi levant cette immunité dès lors que l’auteur a agit dans le cadre d’une mission judiciaire ou conventionnelle. Objectif : « atténuer l’effet d’encouragement à spolier ».

S’agissant du mandat de protection future, il peut être effectué sous seing privé ou par acte notarié. L’auteur recommande d’« écarter l’acte sous seing privé qui ne présente aucune garantie d’enregistrement, de conservation et de mise en œuvre au moment opportun ». Il suggère aussi d’institutionnaliser une « assurance responsabilité civile obligatoire » en faveur des mandataires familiaux « pour les couvrir des erreurs éventuelles qu’ils pourraient commettre dans l’exercice de leur mandat ».

Signalons enfin que la mission préconise de « limiter impérativement à 50 le nombre de mesures de protection par mandataire et de veiller à l’application de cette mesure ».

Notes

(1) Rapport disponible sur www.mediateur-republique.fr.

(2) Pour mémoire, il s’agit d’une mesure conventionnelle destinée à permettre à chacun d’organiser pour l’avenir la protection de sa personne et/ou de ses biens, pour le cas où il ne serait plus en mesure de le faire lui-même en raison de son état de santé physique ou mental, et d’éviter ainsi l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice) – Voir notamment ASH n° 2553 du 11-04-08, p. 17.

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