« C’est une loi dont nous n’avons pas besoin », a martelé, le 31 janvier, la sénatrice Alima Boumedienne-Thiery (Europe écologie-Les Verts), évoquant le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité – examiné depuis le 1er février par le Sénat en première lecture –, et plus particulièrement l’amendement remettant en cause le droit de séjour des personnes sans papiers atteintes de pathologies graves. C’est aux côtés de nombreuses associations et de médecins que l’élue a présenté les risques pour la santé publique et les enjeux éthiques d’une telle réforme. Elle a rappelé que le droit au séjour pour raison médicale est déjà très encadré et qu’il ne concerne que les personnes atteintes de maladies pour lesquelles elles n’ont pas accès à des traitements dans leur pays d’origine et pour lesquelles cette absence de soins « pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité » (cancer, diabète, VIH, troubles psychiatriques, hépatites…). L’amendement déposé par le gouvernement – supprimé par la commission des lois du Sénat sous la pression des associations mais qui devrait être réintroduit – propose de remplacer la condition de « non-accès effectif au traitement approprié » par une « indisponibilité du traitement approprié » dans le pays d’origine. Un terme beaucoup plus flou et « sujet à caution », selon les associations et les médecins. « Si cet amendement est voté en l’état, la simple “disponibilité” dans le pays d’origine de médicaments, même en quantité insuffisante, ou de possibilité de suivi, même à des tarifs prohibitifs, pourrait alors suffire à justifier le refus de régularisation de personnes malades », s’est inquiétée Alima Boumedienne-Thiery.
« Croire qu’il y a une immigration thérapeutique, c’est mal connaître l’immigration », a pointé le professeur François Bourdillon, président de la Société française de santé publique (SFSP). « Le système actuel n’est pas particulièrement “attractif”. D’ailleurs, la plupart des maladies ne sont pas détectées dans le pays d’origine, mais en France », a précisé Arnaud Veïsse du Comité médical pour les exilés (Comede). Enfin, « l’argument selon lequel le nombre de cartes de séjour pour soins ne cesse d’augmenter et que cela coûte cher est faux ! On observe même une diminution des nouvelles demandes… », a ajouté le professeur Willy Rosenbaum. Lequel a rappelé que tout frein à l’accès aux soins risque d’aggraver la pathologie de la personne malade et d’augmenter, in fine, le coût de la prise en charge.