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« UNE ATTENTION DE TOUS LES INSTANTS AU RISQUE SUICIDAIRE DES ADOLESCENTES ET MÈRES »

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Le 5 février a lieu la XVe journée nationale de prévention du suicide. Pour Benoît Omont, permanent d’un lieu de vie et d’accueil pour des adolescentes et mères (1), la tentative de suicide est pour ces jeunes filles un moyen de retourner contre elles la violence qu’elles ont subie.

Le suicide est-il une préoccupation au sein des lieux de vie et d’accueil ?

C’est pour nous une préoccupation permanente dans la mesure où nous accueillons des adolescentes et mères, de 12 à 21 ans, particulièrement exposées aux tentatives de suicide (2). Nous répondons à une demande aiguë des services de l’aide sociale à l’enfance des conseils généraux qui n’ont souvent pas de lieu adapté pour ces jeunes filles en difficulté et leurs bébés. Depuis l’ouverture du lieu il y a trois ans, nous sommes allés une douzaine de fois en urgence à l’hôpital, six fois pour leurs enfants, mais six fois aussi pour des tentatives de suicide de leurs mères.

Quel est le profil de ces jeunes filles ?

D’apparence timide, elles sont introverties, voire mutiques. Ayant souvent été exposées pendant l’enfance à la violence conjugale ou intrafamiliale, elles peuvent la retourner contre elles et se dire « je ne mérite pas de vivre ». Comme elles ont du mal à exprimer cette souffrance, le dialogue avec elles est difficile. Mais tout est fait dans le lieu d’accueil, où elles peuvent aller et venir librement, pour qu’elles puissent appeler au secours plutôt que de prendre des médicaments. Nous sommes très vigilants, surtout la nuit, en particulier lorsque l’une ou l’autre paraît plus renfermée que d’habitude. Nous leur disons « N’hésitez pas à nous appeler et à frapper à notre porte, vous savez que nous sommes là ». Les portes des chambres se ferment d’ailleurs de l’intérieur par un loquet, et nous sommes les seuls à avoir une clé pour pouvoir entrer s’il y a urgence. Les jeunes filles le savent.

L’accompagnement est-il spécifique ?

Comme dans tout lieu d’accueil, ces jeunes filles – nous sommes habilitées pour en recevoir cinq – sont accompagnées avec leur bébé, le temps qu’il faut, sans durée préétablie, dans leur projet de sortie. Mais nous avons une attention de tous les instants au risque suicidaire. Par exemple, nous ne les laissons pas partir quelques jours sans nous être assurés qu’elle sont bien accueillies par un tiers. Le petit copain qui les abandonne, la mère qui refuse de les voir, toute attitude de rejet peut réenclencher chez elles le sentiment d’indignité d’être mère et les renvoyer à leur solitude. C’est pourquoi nous les incitons à engager un travail avec un psychothérapeute pour élaborer leur propre histoire et comprendre comment cette grossesse est arrivée dans leur vie. Certaines jeunes filles prennent alors conscience de leurs fragilités et sont capables de nous alerter quand elles vont mal : elles nous disent « Je ne suis pas dans mon état normal ». Par ailleurs, nous avons instauré un groupe de parole, tous les 15 jours, animé par un psychanalyste formé à l’écoute active : elles viennent avec leurs enfants et s’y expriment librement. Ce peut être l’occasion pour elles de poser des questions sur l’éducation de leur nourrisson.

Certains suicides ont-ils réussi ?

Non, ce sont toujours des tentatives de suicide par médicaments ou coupure des veines. Contrairement aux garçons, les adolescentes réussissent rarement leur acte (3). Comme nous partageons leur quotidien – c’est l’intérêt du lieu d’accueil –, nous pouvons, après une tentative de suicide, reprendre aussitôt les choses. Nous allons échanger avec elles sur ce qui les a amenées à ce geste, c’est parfois l’amorce d’une relation de confiance. Le tout étant repris lors des supervisions de l’équipe pédagogique organisées régulièrement avec un thérapeute familial.

Le gouvernement a chargé le psychiatre Boris Cyrulnik d’une mission sur les suicides d’enfants. Une bonne chose ?

Oui, si ce n’est qu’il a, à nouveau, réagi à un fait divers (4). Il y a une réflexion importante à mener sur le suicide des jeunes. Beaucoup d’adolescents mettraient fin à leurs jours parce qu’ils sont mal dans leur sexualité ou ont été violentés sexuellement. La prévention passe par une information des jeunes sur la sexualité, qui ne se limite pas à deux heures annuelles dispensées à l’école !

Notes

(1) Le Domamour du Boshion : 27190 Orvaux – Tél. 02 32 58 64 05.

(2) Elles sont accompagnées par cinq permanents dont deux présents nuit et jour.

(3) Avec 1 000 décès par an, le suicide est la deuxième cause de mortalité des adolescents. La mortalité est deux fois plus importante chez les garçons.

(4) Le décès par défenestration d’une fillette diabétique de 9 ans.

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