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… tandis que la justice accorde la garde d’une fillette née sous X à ses grands-parents

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Le 26 janvier, la cour d’appel d’Angers a confié la garde d’une petite fille née sous X à ses grands-parents biologiques, en dehors de tout lien juridique de filiation. Reconnaissant l’existence d’un lien affectif de fait, elle s’est appuyée sur l’intérêt supérieur de l’enfant pour prendre cette décision.

Dans cette affaire, une petite fille est née le 7 juin 2009 à Angers d’un accouchement sous X et sans filiation paternelle. Aussitôt remise à l’aide sociale à l’enfance de Maine-et-Loire, elle a été admise en qualité de pupille de l’Etat à titre provisoire par arrêté du président du conseil général du 8 juin 2009, puis à titre définitif par un arrêté du 14 août 2009. Deux jours avant cette date, les grands-parents maternels ont fait assigner en référé le préfet de Maine-et-Loire, en sa qualité de tuteur de l’enfant, devant le président du tribunal de grande instance d’Angers. Celui-ci, dans une décision du 8 octobre 2009, a fait droit à leur demande d’expertise de comparaison de leur sang avec celui de la fillette (1). Le rapport d’expertise ayant confirmé le lien de parenté, les grands-parents ont ensuite saisi le tribunal d’une demande d’annulation de l’arrêté du 14 août 2009 et, à titre subsidiaire, ont sollicité un droit de visite pour un week-end par mois et quelques jours pendant les vacances scolaires. Le 28 avril 2010, le tribunal a considéré que le couple n’avait pas qualité pour agir en justice contre cet arrêté et n’a donc pas statué sur leur demande de visite (2). Les grands-parents ont attaqué cette décision devant la cour d’appel.

Les magistrats angevins relèvent tout d’abord que le tribunal de grande instance a opposé aux grands-parents un défaut de lien de droit avec l’enfant. « Dans cette affaire, la réalité factuelle et la vérité biologique s’opposent à la logique juridique, laquelle conteste aux époux […] leur qualité à agir, alors que personne ne conteste le lien de parenté, mis en évidence par l’expertise », soulignent-ils. D’après l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles, l’admission en qualité de pupille de l’Etat peut faire l’objet d’un recours par toute personne justifiant d’un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait, et qui demandent à en assumer la charge. « Ce texte ne définit pas la nature du lien, et si l’on peut estimer qu’il doit s’agir d’un lien affectif, le texte ne le précise pas », indiquent les juges d’appel. Ils soulignent en outre qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier l’existence et la qualité d’un tel lien, en tenant compte de la situation, mais aussi de l’âge de l’enfant, et ce, même s’il n’a pas fait l’objet d’une garde de droit ou de fait. Dans cette affaire, la grand-mère a rendu des visites régulières à sa petite-fille lors de son hospitalisation pour cause de naissance prématurée et a fait part aux services départementaux concernés de sa volonté de l’accueillir et de l’élever. Pour la cour d’appel, ces démarches permettent de reconnaître l’existence d’un lien affectif de fait avec l’enfant. C’est pourquoi, elle la confie à ses grands-parents, à charge pour eux de requérir l’ouverture d’une tutelle, et annule l’arrêté du 14 août 2009.

Tous les arguments du conseil général plaidant pour une adoption de l’enfant par des tiers en raison du conflit qui oppose sa mère et ses grands-parents sont par ailleurs rejetés par les magistrats. Examinant cette affaire au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, ils indiquent que le droit de connaître son histoire et ses racines s’intègre dans les droits fondamentaux reconnus à l’enfant. Et ajoutent que l’intérêt de l’enfant prime sur la faculté pour la mère de conserver l’anonymat et, par voie de conséquence, sur son choix de couper l’enfant de sa famille. C’est encore l’intérêt de l’enfant qui fait pencher la balance en faveur des grands-parents biologiques plutôt que pour de « potentiels » parents adoptifs.

Le président du conseil général de Maine-et-Loire n’a pas fait savoir s’il entend se pourvoir en cassation. Rappelons enfin que, dans une affaire similaire, la Cour de cassation a au contraire rejeté la demande des grands-parents. Elle a en effet considéré que, en l’absence d’un lien de filiation entre ces derniers et leur petit-fils, ils n’étaient pas recevables à contester en justice une décision de placement en vue d’adoption, ni à réclamer la charge de l’enfant (3). C’est cette décision qui a conduit le gouvernement à lancer une mission parlementaire sur l’accouchement sous X, dont les conclusions viennent d’être remises au Premier ministre (voir ce numéro, page 19).

[Cour d’appel d’Angers, 26 janvier 2011, n° 10/01339, non publié]
Notes

(1) Voir ASH n° 2631 du 6-11-09, p. 10.

(2) Voir ASH n° 2659 du 14-05-10, p. 11.

(3) Voir ASH n° 2618-2619 du 17-07-09, p. 8.

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