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Le Sénat affine ses propositions pour une meilleure prise en charge de la dépendance

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Après un rapport d’étape publié en juillet 2008 (1), la mission d’information commune aux commissions des finances et des affaires sociales du Sénat sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque a, le 2 février, rendu public son rapport final (2). Ce, peu après le lancement par le gouvernement d’une concertation nationale sur la prise en charge de la dépendance (3). Sans revenir sur les enjeux humains, organisationnels et financiers de la prise en charge de la perte d’autonomie, qui, pour elle, sont toujours d’actualité, la mission a peaufiné son analyse et ses préconisations.

Comme le gouvernement, les sénateurs (UMP) Alain Vasselle et Philippe Marini, auteurs du rapport, considèrent que « les logiques de compensation du handicap et de la dépendance des personnes âgées sont différentes ». Pour eux, « une prise en charge de la dépendance exactement calquée sur les modalités mises en œuvre pour le handicap entraînerait en effet un quasi-triplement du coût de l’allocation personnalisée d’autonomie [APA] et serait budgétairement insoutenable, dans un contexte de crise grave des finances publiques ».

Le nécessaire renforcement de la prévention et de l’évaluation

En amont de l’organisation de la prise en charge, il convient de « renforcer la démarche de prévention de la perte d’autonomie » au moyen de quatre grands types d’intervention, soulignent les sénateurs : « le dépistage, l’évaluation, l’intervention, le suivi ». En effet, expliquent-ils, le dépistage aurait pour objectif d’« identifier, au sein de la population âgée, les personnes dites “fragiles” ou “pré-fragiles”, vers lesquelles concentrer l’action » (4). Dans ce cadre, l’évaluation des besoins des personnes âgées doit être améliorée. Pour ce faire, la mission préconise « de revoir la grille AGGIR pour parvenir à un usage uniforme de cet outil sur tout le territoire et mieux prendre en compte la spécificité des maladies neurodégénératives ». En complément, souligne-t-elle, certaines des recommandations de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) faites en 2009 (5) « gagneraient à être encouragées », telles que la mise en place d’un examen systématique au niveau du conseil général des dossiers repérés comme délicats par une équipe médico-sociale ou encore le suivi des résultats des classements moyens par groupe iso-ressources (GIR) de chaque évaluateur afin de pouvoir débattre, si besoin, des écarts éventuellement constatés.

Comme l’IGAS, la mission estime aussi que la gestion de l’APA doit être réformée afin de réduire les disparités géographiques (revoir les délais procéduraux pour réduire les délais de traitement, rénover la procédure de décision au sein des conseils généraux…).

Signalons par ailleurs que, de la même manière que l’IGAS (6), la mission plaide pour une meilleure régulation du secteur de l’aide à domicile. Toutefois, elle va plus loin en préconisant la suppression du régime de l’autorisation des services.

Un « gage » patrimonial optionnel

Les auteurs soutiennent aussi qu’il faut « améliorer de façon ciblée la solvabilisation des personnes âgées à domicile ». Afin de diminuer le reste à charge des bénéficiaires et de leurs familles, ils rappellent que deux pistes devraient être privilégiées : le « relèvement ciblé des plafonds des plans d’aide » de l’APA pour les personnes les plus isolées et celles atteintes de la maladie d’Alzheimer ; une « revalorisation périodique des montants des plans d’aide, a minima sur l’inflation, au mieux sur les salaires ». Dans tous les cas, les sénateurs sont « fermement » opposés à un recentrage de l’APA sur les seuls GIR 1 à 3 (les plus dépendants). En effet, expliquent-ils, « l’intervention de l’APA dès un stade de dépendance modérée (GIR 4) joue un rôle déterminant dans la prévention ». « Supprimer ou restreindre le GIR 4 pourrait être “contre-productif”, en conduisant à un basculement plus rapide des personnes âgées en GIR 3. »

Pour financer ces mesures, la mission suggère de nouveau que l’on propose aux bénéficiaires de l’APA à domicile de choisir soit d’engager une part de leur capital – 20 000 € au maximum sur la fraction de leur patrimoine dépassant un seuil qui pourrait être fixé entre 150 000 et 200 000 € – et de bénéficier d’une APA à 100 %, soit de le refuser et de ne toucher l’APA que partiellement (7). Une recommandation rejetée aussi bien par l’opposition que par les syndicats et les représentants du secteur médico-social. Pourtant, soulignent les sénateurs, avec un seuil fixé à 200 000 €, ce mécanisme permettrait de rapporter aux départements 1,1 milliard d’euros dès 2014.

En outre, les sénateurs maintiennent leur proposition tendant à mettre en place un tarif dégressif pour l’APA versée en établissement en fonction des revenus des bénéficiaires.

En EHPAD, un forfait unique pour les dépenses de soins

Si des mesures ont été prises récemment pour améliorer l’efficience de la dépense de soins en établissement (généralisation du forfait global, convergence tarifaire…), la mission invite tout de même le gouvernement à aller plus loin. Par exemple, elle recommande de restructurer certains établissements hospitaliers en établissements médico-sociaux. Déjà, en 2008, elle estimait à environ 30 000 le nombre de lits susceptibles d’être transférés du court séjour hospitalier aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) (8). Autre préconisation : mettre en place un forfait unique couvrant l’ensemble des dépenses de soins produites par les pensionnaires accueillis en EHPAD, « y compris les soins de ville qui faisaient jusqu’à présent l’objet de contrôles insuffisants ».

Un financement liant solidarité nationale et assurance volontaire

Pour financer la prise en charge de la dépendance, nombre de pistes ont été avancées, comme la création d’une deuxième « journée de solidarité », l’élargissement de l’assiette de la « contribution solidarité autonomie » aux professions non salariées ou encore l’alignement du taux de la contribution sociale généralisée des retraités sur celui des actifs. Des pistes qui, selon les auteurs, doivent être « analysées avec prudence dans le contexte actuel de sortie de crise et de niveau déjà élevé des prélèvements obligatoires ».

En tout état de cause, la mission réaffirme son souhait d’un « financement mixte de la perte d’autonomie des personnes âgées reposant sur un niveau élevé de solidarité nationale complétée par une couverture assurantielle volontaire ». Une préconisation d’autant plus justifiée, estime-t-elle, au regard de l’aggravation de la situation des finances publiques. Contrairement à ce que suggérait la députée Valérie Rosso-Debord dans son rapport de juillet 2010 (9), les sénateurs rejettent l’idée d’une assurance obligatoire au motif qu’elle pourrait être perçue, « à juste titre », comme la création d’un prélèvement obligatoire masqué sous le vocable d’assurance et qu’elle ne serait « pas financièrement supportable » pour les personnes très âgées et celles ayant des revenus modestes. Aussi plaident-ils pour une « généralisation de la couverture assurantielle du risque dépendance sur une base volontaire » et l’instauration d’une « aide publique réservée aux personnes les plus démunies » pour le recours à cette assurance. Pour permettre le plus large accès à la population, « le socle assurantiel doit être “multiproduits labellisés”, reposant soit sur la logique de prévoyance, peu onéreuse d’accès, soit sur celle de la capitalisation, plus coûteuse mais génératrice d’épargne », indique le rapport. Dans cette optique, il propose aussi d’« inciter à la souscription d’une couverture complémentaire dépendance des personnes assurées sur la vie » ou encore de « développer les contrats d’assurance dépendance d’entreprise ». Quoi qu’il en soit, ces contrats « dépendance » devront être labellisés afin de garantir leur fiabilité.

Dans tous les cas, insistent les auteurs, il faudra prévoir un plan d’information pédagogique à destination des jeunes à leur entrée dans la vie active et des générations plus âgées. Ce plan devra en outre conduire à une « réelle lisibilité des produits et à leur comparabilité ».

De nouvelles compétences pour les départements

Afin de « garantir une approche plus juste de la charge objective pour les départements » que représente le financement de l’APA, la mission insiste de nouveau sur la modification des règles de péréquation entre collectivités territoriales. Comme en 2008, elle propose de supprimer, dans les règles de calcul, la référence au nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active « socle », d’y introduire un critère de revenu par habitant et de substituer à la notion de potentiel fiscal celle de potentiel financier pour prendre aussi en compte les dotations de l’Etat.

Au-delà, les sénateurs suggèrent d’« accorder aux départements la compétence de tarification et de gestion des crédits d’assurance maladie des EHPAD ». Pour eux, cette mesure aurait pour avantages de placer le processus tarifaire sous une autorité unique et d’« agir, sans doute plus efficacement qu’aujourd’hui, sur le reste à charge en EHPAD ». Cette disposition pourrait être expérimentée auprès de départements volontaires et concerner les établissements pour lesquels une forfaitisation de l’ensemble des dépenses de soins aurait été mise en place (voir ci-dessus).

Notes

(1) Voir ASH n° 2566 du 11-07-08, p. 5.

(2) Dépendance des personnes âgées : le Sénat prépare le débat – 2010-2011 – Disponible sur www.senat.fr.

(3) Voir ASH n° 2690 du 7-01-11, p. 5.

(4) Selon les auteurs, le taux de personnes dites « fragiles » s’élève à 15 % et celui des « pré-fragiles » à 25 %.

(5) Voir ASH n° 2628 du 16-10-09, p. 11.

(6) Voir ASH n° 2694 du 28-01-11, p. 5.

(7) Cette mesure ne s’appliquerait pas à l’APA versée aux personnes accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, déjà soumises à un recours sur succession lorsqu’elles bénéficient de l’aide sociale à l’hébergement.

(8) Soit un transfert de 200 à 300 millions d’euros de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) « sanitaire » vers l’ONDAM « médico-social ».

(9) Voir ASH n° 2666 du 2-07-10, p. 7.

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