A la suite du meurtre d’une jeune fille par un délinquant sexuel récidiviste en Loire-Atlantique, les ministres de la Justice et de l’Intérieur ont diligenté une enquête administrative afin de faire la lumière sur les éventuels dysfonctionnements ayant abouti à ce drame. Dans un communiqué du 31 janvier diffusé dans la foulée d’une réunion à l’Elysée, Michel Mercier et Brice Hortefeux ont indiqué que « les éléments relevés témoignent d’une défaillance de la chaîne pénale » et qu’ils entendent, en accord avec le président de la République, apporter des « réponses immédiates » aux « dysfonctionnements observés ». Des mesures qui doivent notamment compléter l’arsenal juridique existant et déjà renforcé par la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté (1), la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (2) ou encore la loi du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle (3).
Le gouvernement a ainsi décidé que les individus référencés dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) seront « automatiquement » inscrits dans le fichier des personnes recherchées lorsqu’ils ne respectent pas strictement leurs obligations de justification d’adresse. Des poursuites seront alors immédiatement engagées à leur encontre « afin de les renvoyer en détention ». En outre, « un office opérationnel de suivi des délinquants sexuels et violents sera créé d’ici le 15 février » (4) afin de « décloisonner les actions des représentants de l’autorité judiciaire, des forces de sécurité, de l’administration pénitentiaire et des services de santé », ont expliqué les ministres. En pratique, cet office devra jouer un rôle de repérage et d’alerte, en croisant notamment les données recueillies dans le FIJAIS, le fichier des personnes recherchées ainsi que le nouveau répertoire des données à caractère personnel qui recense l’ensemble des expertises médico-psychologiques et psychiatriques. De son côté, le ministre de l’Intérieur « créera, dans chaque département, une cellule de synthèse et de recoupement, regroupant la gendarmerie et la police nationales, ciblée sur les individus multiréitérants ». Ces cellules permettront des rapprochements entre des affaires traitées par différents services, en s’appuyant notamment sur les logiciels de rapprochement judiciaire qui devraient être autorisés par la future loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), en passe d’être définitivement adoptée par le Parlement.
Toujours dans le cadre de ce texte, la chancellerie a rappelé que les parlementaires ont voté une disposition visant à étendre le dispositif de surveillance judiciaire, applicable dès la libération, aux personnes condamnées en état de récidive à une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans (contre sept ans aujourd’hui).
Enfin, Michel Mercier a assuré que « les capacités d’accueil du centre national d’évaluation [de Fresnes], chargé d’examiner la situation des condamnés les plus dangereux avant leur sortie, seront augmentées. » Et que « le recours à la surveillance électronique des délinquants sexuels sera développé ».
Estimant que des dysfonctionnements sont intervenus dans la mise en œuvre des obligations auxquelles étaient astreintes l’auteur présumé de l’homicide, le garde des Sceaux a, avant même de rencontrer Nicolas Sarkozy, fait envoyer une note aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) leur interdisant de prioriser les dossiers en fonction de la nature des infractions commises (5). Michel Mercier a en effet fait procéder à un recensement national mettant en évidence qu’un certain nombre de mesures concernant des détenus bénéficiant d’un aménagement de peine ne faisait pas l’objet d’une affectation nominative à un personnel d’insertion et de probation. Aussi a-t-il rappelé aux SPIP que « les dossiers doivent impérativement faire l’objet d’une affectation nominative dans un souci de réactivité et d’efficacité ». « La seule qualification pénale ne peut suffire à évaluer et à déterminer le niveau et les modalités de prise en charge de la personne placée sous main de justice », a-t-il par ailleurs indiqué. Et « le profil pénal et criminologique doit prévaloir sur la seule qualification pénale relative à la mesure devant faire l’objet d’un suivi par le SPIP ». Dans ce cadre, Michel Mercier estime qu’« il est indispensable que soit opérée, dès la saisine du SPIP, une évaluation de la situation de la personne concernée, notamment au regard de ses antécédents judiciaires et du risque de récidive ».
Se déclarant conscient de la charge de travail qui pèse actuellement sur les SPIP, le garde des Sceaux a aussi annoncé que le nombre de personnes recrutées en 2011 au titre de la réserve civile pénitentiaire (6) serait augmenté, une mesure qui devrait, selon lui, bénéficier en priorité aux SPIP.
De son côté, le président de la République a confié au député (UMP) des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, une mission visant à « renforcer notre capacité à exécuter efficacement les peines prononcées », qui, pour 30 000 d’entre elles, sont restées lettre morte en 2009. Nicolas Sarkozy estime que les outils dont dispose l’administration pénitentiaire sont « trop uniformes et souffrent d’une absence de diversification ». Aussi a-t-il demandé à l’élu, en ce qui concerne le milieu fermé, de « réfléchir à une meilleure classification des établissements permettant de mieux prendre en charge les détenus en fonction des profils qui sont les leurs ». S’agissant du milieu ouvert, le député devra examiner les moyens existants de parvenir à un meilleur recours aux aménagements de peines et de formuler des propositions pour en développer de nouveaux. Dans ce cadre, le chef de l’Etat souhaite que le travail d’intérêt général soit développé et étendu à de nouveaux domaines, tels que « le développement durable, l’environnement ou l’aide à la personne ». Eric Ciotti doit remettre les conclusions de ses travaux d’ici au 30 avril prochain.
(1) Voir notamment ASH n° 2545 du 15-02-08, p. 17, n° 2547 du 29-02-08, p. 5 et n° 2640-2641 du 8-01-10, p. 19.
(4) L’office sera composé de représentants des magistrats, de conseillers d’insertion et de probation, de travailleurs sociaux, d’officiers de police et de gendarmerie, de psychiatres, de psychologues et d’experts.
(5) Note de la direction de l’administration pénitentiaire du 27 janvier 2011, à paraître au B.O.M.J.L.
(6) La loi pénitentiaire a en effet créé une réserve civile pénitentiaire, exclusivement constituée de volontaires retraités issus des corps de l’administration pénitentiaire, afin notamment d’assister les personnels des SPIP dans l’exercice de leurs fonctions de probation.