« Supprimer l’accouchement dans l’anonymat et maintenir l’accouchement secret. » Telle est la proposition phare du rapport que Brigitte Barèges a récemment remis au Premier ministre (1), et qui suscite l’inquiétude du Planning familial (voir ce numéro, page 30). François Fillon avait en effet missionné la députée (UMP) de Tarn-et-Garonne sur ce sujet après l’annonce par Nadine Morano d’une évolution de l’accouchement sous X vers un accouchement protégé. L’ex-secrétaire d’Etat chargée de la famille avait elle-même réagi à un arrêt de la Cour de cassation refusant d’établir la filiation entre des grands-parents et leur petit-fils né sous X (2). Dans une autre affaire, la cour d’appel d’Angers vient quant à elle d’accorder à des grands-parents la garde de leur petite-fille également née sous X (voir ce numéro, page 20).
Brigitte Barèges juge qu’il est « possible, aujourd’hui, de supprimer l’anonymat de l’accouchement ». En revanche, elle est « convaincue qu’il faut garder la possibilité d’accouchement secret si l’on veut répondre en toute sécurité aux besoins des mères et des enfants ».
Ce n’est pas le risque d’infanticide qui justifie le maintien du secret mais le risque de délaissement ou de maltraitance de l’enfant qui, « lui, paraît plus réel », explique la députée. Elle propose donc que la femme qui accouche indique son identité, sans que celle-ci puisse faire l’objet d’une enquête ou de tests génétiques. Elle estime en effet qu’« accepter une marge faible de fausses identités évite de basculer dans un droit policier dont les excès risqueraient d’être aussi critiquables que la possibilité d’anonymat ». Comme le Conseil national de l’accès aux origines personnelles (CNAOP) avant elle (3), la députée préconise en outre de réserver les demandes d’accès aux origines personnelles aux personnes majeures.
Objet de critiques récurrentes, le CNAOP a « évolué de manière positive, aux dires de la plupart des personnes auditionnées ». Brigitte Barèges recommande donc de maintenir cette instance et d’améliorer son fonctionnement. Sans attendre les conclusions d’une évaluation approfondie actuellement menée par l’inspection générale des affaires sociales et qui devraient être rendues au premier trimestre 2011, elle propose d’ores et déjà de modifier sa composition en intégrant un représentant d’une association de mères qui ont accouché dans l’anonymat. Elle recommande aussi de renforcer son rôle de formation et de soutien de ses correspondants départementaux et de prévoir une obligation d’accompagnement et de médiation « pour les recherches et les retrouvailles ».
Le passage d’un accouchement anonyme à un accouchement secret suppose que la mère donne son identité dès la naissance de l’enfant. Or « cette modification substantielle n’est envisageable qu’à la condition d’un renforcement de l’accompagnement des personnes concernées », estime l’élue de Tarn-et-Garonne. Cet accompagnement doit avoir lieu à tous les « moments clés » et commencer avant l’accouchement. La députée souligne que l’accueil et la prise en charge des femmes qui découvrent leur grossesse alors que le délai d’une interruption volontaire de grossesse est dépassé sont encore très insuffisants. Elle estime qu’un meilleur accompagnement des mères à la maternité, « par une équipe sensibilisée au problème des naissances dans le secret », devrait aboutir à ce qu’elles fournissent le maximum d’informations médicales sur leur état de santé, celui du père et leurs ascendants.
Certaines personnes qui présentent une demande d’accès aux origines personnelles ne recherchent pas seulement une identité mais aussi une histoire. Le rapport préconise donc d’améliorer le contenu du dossier de l’enfant. Sur ce point, il insiste sur l’importance du recueil d’éléments non identifiants tels que les origines géographiques, culturelles ou sociales ou encore les circonstances ou les raisons de l’abandon, l’aspect physique des parents de naissance… De tels éléments sont d’ores et déjà communicables aux personnes qui en font la demande, est-il rappelé. En outre, il est « essentiel de veiller particulièrement à ne pas porter de jugement péremptoire et dévalorisant sur les familles de naissance », souligne Brigitte Barèges. Elle recommande au CNAOP de sensibiliser ses correspondants qui recueillent les éléments relatifs à l’identité de la mère de naissance à « l’importance du choix des mots ».
Le rapport préconise en outre d’améliorer les possibilités de reconnaissance anténatale des pères, de permettre aux mères de déposer une demande de recherche de leur enfant auprès du CNAOP, d’aménager la levée du secret après le décès de la mère, ou encore d’identifier et de former des équipes médico-psychologiques pour accompagner les personnes qui formulent une demande d’accès à leurs origines.
Enfin, pour Brigitte Barèges, une avancée législative importante ne pourra se réaliser sans « un vrai travail de fond en amont ». Elle a donc proposé au Premier ministre de constituer « très rapidement » un comité de pilotage parlementaire, en collaboration avec le Haut Conseil de la famille.
(1) Mission parlementaire sur l’accouchement dans le secret – 12 novembre 2010 – Disp. sur