L’expression « j’ai besoin d’un toit, mais j’ai envie du château de Chambord », qui donne son titre à l’ouvrage, sort de la plume d’une des personnes sans abri hébergées par le SAMU social de Paris, qui a participé à l’atelier d’écriture créé par Babeth Fourest. Pendant plus de dixans, cette auteure a donné l’envie d’écrire à des usagers d’un centre d’hébergement parisien. Défouloir pour les uns, activité ludique pour les autres, faire-valoir pour certains… Cet atelier a accouché de textes autobiographiques, de poésies chimériques et même, parfois, de simples phrases, comme celle qu’a laissée un jour Lucien, lors d’un atelier sur le rêve. Babeth Fourest raconte qu’il « a brandi son papier comme une pancarte dans une manif, où était écrit en majuscules énormes “MON RÊVE : CREVER SANS SOUFFRIR” ». Dans ce livre, l’écrivain relate la vie du centre, le cheminement de l’atelier d’écriture, et entrecoupe son récit de textes des sans-domicile fixe.
On y croise les mots d’un professeur égyptien de lettres modernes à l’université du Caire qui vit désormais à la rue, de Maxime, tourneur-fraiseur, qui parle de son métier « avec un beau vocabulaire technique qui pèse son poids en poésie : il dit “encliquetage muet”, et c’est un cadeau qu’il vous fait ». Il y a aussi Pierre-Marie, qui se dit ancien directeur commercial d’une grosse société et qui, à chaque texte, déverse son ressenti, voire son ressentiment (voir poème ci-contre). Dans la préface de l’ouvrage, Xavier Emmanuelli, fondateur du SAMU social, revendique : « Ce travail donne du sens à notre combat. Il nous dit qu’aucun psychisme n’est immobile, qu’il suffit d’un regard encourageant, plein d’humanité pour que se produisent les talents qui n’ont pas trouvé de tribune, faute de disposer d’un peu de temps et d’attention, mais qui ne demandent qu’à fleurir. »
J’ai besoin d’un toit, mais j’ai envie du château de Chambord – Babeth Fourest – Ed. Lethielleux/Groupe DDB – 17 €
Tu es entrée dans ma vie un peu par effraction.
Tu es venue t’introduire dans ma solitude
Bouleverser ce qui était devenu mes habitudes
Pour en fait, je crois, ne satisfaire que tes ambitions
Essayer de faire semblant de me tendre la main
Essayer de me faire de nouveau croire en la société
Peut-être tout simplement satisfaire à bon prix ta vanité
Et m’abandonner enfin au beau milieu du chemin.
Oh mon amie bénévole, tu n’es en fait que mirage
Que folle espérance de ton miroir déformant
Un rêve, un espoir qui en fait me ment
Et ne fera que destruction en préparant un autre naufrage.
Avant toi, tout était gris et noir dans ma vie
Tu y as mis du bleu, en me faisant des bleus à l’âme
Mais tu auras au moins satisfait ton envie :
Faire enfin partie de ce que l’on nomme les « bonnes âmes ».
Pierre-Marie