Quotidiennement, 310 centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) implantés sur le territoire rencontrent quelque 200 000 enfants ou adolescents ayant des difficultés susceptibles de compromettre la poursuite de leur scolarisation en milieu ordinaire, voire le maintien dans leur milieu familial. Autant dire que les CMPP constituent un bon observatoire de l’évolution du regard porté sur l’enfant et ses troubles. Les auteurs réunis ici en témoignent, à l’instar de Tristan Garcia-Fons, coordonnateur de l’ouvrage. Ce pédopsychiatre et psychanalyste dénonce la « formidable entreprise normative et naturaliste » qui est en marche « à travers l’étiquetage tous azimuts des enfants selon la classification des psychiatres des Etats-Unis ». Cette idéologie conduit à une pratique évaluative qui génère tests et bilans, cependant que « l’estampille handicap, introduite précocement dans la vie de l’enfant présentant des troubles de l’apprentissage ou de la relation (parfois dès trois ans, en petite section de maternelle) », fait basculer la clinique d’une vision dynamique à une vision statique, renchérit Stéphanie Palazzi, psychiatre. Fustigeant aussi la banalisation du handicap, « abusivement élargi au “handicap psychique” » par la loi de février 2005, Marie-Frédérique Doineau, psychologue-psychanalyste, juge ce « label » préjudiciable pour l’enfant « hors norme » : l’accent mis sur le déficit cognitif ou instrumental à combler risque d’évacuer « ce qui “cloche” pour le sujet et ce qui se passe à son insu, à savoir la dimension de l’inconscient », estime-t-elle.
Inventer avec l’enfant en CMPP – Ouvrage collectif dirigé par Tristan Garcia-Fons – Ed. érès – 23 €