Le gouvernement n’en finit pas de remettre sur le métier la question de la prévention de la délinquance, on l’a encore vu récemment avec la nouvelle mission confiée sur ce thème à l’ex-secrétaire d’Etat à la justice, Jean-Marie Bockel (1). Un sujet sur lequel le Conseil national des villes (CNV) veut aujourd’hui faire entendre sa voix. Il a transmis à cet effet, le 20 janvier au Premier ministre, une « recommandation » – validée le 16 décembre dernier lors de son assemblée plénière – formulant ses préconisations en matière de gouvernance et de financements dans ce domaine (2).
Cette recommandation est l’aboutissement d’une démarche entamée en juin dernier par l’instance, avec la diffusion auprès des collectivités territoriales d’un questionnaire visant à dresser un premier bilan de l’impact local du plan national pour la prévention de la délinquance et l’aide aux victimes (PNDAV) lancé en octobre 2009 (3). Après avoir analysé les résultats de ce sondage – qui ont constitué « une alerte sérieuse » –, le CNV a complété ses travaux par des auditions et des déplacements sur site, à la rencontre des autorités locales. Puis il a réuni, le 15 décembre à Gonesse (Val-d’Oise), près de 150 acteurs de terrain, à l’occasion d’un « forum » au cours duquel un certain nombre de contributions ont été exposées. Le Conseil national des villes s’est appuyé sur tous ces éléments pour élaborer le document transmis à François Fillon.
Il y présente, en premier lieu, ses « sujets de préoccupation ». Préoccupation notamment par rapport au pilotage local de la prévention. « Qui fait quoi ? » Pour le CNV, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance – qui a donné au maire un rôle pivot en la matière – et le PNDAV « n’ont pas mis fin à une certaine confusion entre les rôles ou les domaines de compétence des acteurs de la prévention » et ont même « introduit des difficultés supplémentaires ». « Quand on évoque le rappel à la loi par exemple, quels sont les places et les rôles respectifs du maire et du procureur de la République ? », s’interroge ainsi l’instance.
« La gouvernance de la prévention de la délinquance et du travail commun entre collectivités territoriales et Etat » inquiète également l’instance, qui la juge en effet en « régression ». « Depuis plusieurs années, une coproduction de la prévention et de la sécurité s’était progressivement installée autour de diagnostics partagés et d’actions équilibrées entre les objectifs de “prévention, répression, solidarité” ». Or, souligne le CNV, ce triptyque n’existe plus aujourd’hui. « Les élus et les partenaires locaux reprochent à l’Etat […] d’imposer ses objectifs sans concertation préalable véritable ni prise en compte suffisante ou effective des réalités locales. » Ils estiment par exemple que les plans départementaux de prévention de la délinquance sont devenus une simple déclinaison du plan national. Ce qui est un paradoxe. En effet, explique le Conseil national des villes, « alors que la loi consacre le rôle du maire, instance locale, en qualité de pilote de la prévention de la délinquance, on assiste dans le même temps à une forme de recentralisation dans les faits ».
Sur la base de cette analyse, les membres du CNV avancent un certain nombre de préconisations pour une meilleure gouvernance nationale et locale, appelant en particulier l’attention du Premier ministre sur « la nécessaire clarification de la contribution et du rôle de chacun (collectivité/Etat) dans la coproduction de la sécurité et de la prévention de la délinquance pour mettre fin à la confusion des responsabilités respectives ». « Les élus locaux sont prêts à mettre à plat l’ensemble des dispositifs existants et à participer à la clarification des compétences, dans une démarche de collaboration et d’échanges avec le gouvernement », souligne le conseil.
Sur le terrain financier, on retiendra que, pour le CNV, les crédits consacrés à la prévention de la délinquance ne sont pas à la hauteur des enjeux. L’instance appelle donc « à ce que des fonds conséquents et comparables à ceux alloués aux politiques de sécurité soient alloués à toutes les formes de prévention, au-delà de la vidéo-surveillance, avec une évaluation des investissements consentis ».
A noter : dans le courrier adressé au chef du gouvernement qu’ils ont joint à la recommandation du CNV, les vice-présidents de l’instance, Nathalie Appéré et Xavier Lemoine (4), ont demandé à le rencontrer pour lui présenter ce document et évoquer avec lui les suites envisagées « en lien peut être avec la […] mission confiée à Jean-Marie Bockel sur ce même sujet ». Ils annoncent par ailleurs que le conseil organisera, en octobre 2011, un colloque national sur les sujets de la sécurité et de la prévention de la délinquance, « les deux termes étant fondamentalement indissociables ».
(2) Disponible sur
(4) Respectivement première adjointe au maire de Rennes et maire de Montfermeil (Seine-Saint-Denis).