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Le contrôleur général des prisons pointe les obstacles à l’usage du téléphone en détention et en rétention

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« La possibilité pour une personne privée de liberté d’utiliser un téléphone pour joindre ses proches et des organismes administratifs est une des modalités du droit à la vie familiale […] et un des moyens d’effectuer les démarches nécessaires à la préparation de la sortie – pour les détenus – ou au départ – pour les étrangers retenus ou en zone d’attente », affirme le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans un récent avis. Or, en pratique, relève-t-il, ces personnes se heurtent encore à bon nombre d’obstacles pour une utilisation effective du téléphone et en toute confidentialité. Pourtant, s’agissant des détenus, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a consacré ce droit (1) et une circulaire de la direction de l’administration pénitentiaire, anticipant cette loi, a même redéfini les modalités d’usage du téléphone (2).

En détention

Lors de ses visites dans des établissements pénitentiaires, Jean-Marie Delarue a noté que les téléphones étaient fréquemment installés dans les cours de promenade, les coursives et parfois dans les salles d’activité. Si on peut concevoir l’intérêt d’un tel emplacement, celui-ci comporte toutefois « de très sérieux inconvénients », estime-t-il. En effet, « il n’y pas d’autre régulation (hormis les durées d’appel peu en usage) de l’usage du téléphone que celle qui s’instaure entre détenus : les plus faibles d’entre eux ont par conséquent bien moins de chances (voire aucune) d’y avoir recours que les autres ». S’ajoute à cela « les pressions auprès de codétenus pour utiliser le téléphone pour composer des numéros qui n’ont pas été préalablement autorisés ». Enfin, aucune conversation confidentielle ne peut avoir lieu. Le contrôleur général demande donc non seulement l’« abandon de l’installation des téléphones dans les cours ou les salles collectives », mais aussi et surtout la « construction de véritables cabines téléphoniques permettant la protection des conversations vis-à-vis des autres détenus ».

Jean-Marie Delarue a également remarqué que le nombre de numéros autorisés par l’administration varie d’un établissement pénitentiaire à l’autre. Or, considère-t-il, « il est éminemment souhaitable […] que [ce] nombre soit identique partout faute de quoi, dans l’hypothèse d’un transfèrement, le détenu risque d’avoir à renoncer à appeler certaines personnes. » Au-delà, doivent aussi être levés certains obstacles mis à l’autorisation de téléphoner par les procédures mises en œuvre. Par exemple, illustre l’avis, « il n’y a aucun motif pour que les personnes qui peuvent être appelées soient identiques à celles qui disposent d’un permis de visite ». Et il ne saurait être exigé dans tous les cas, pour autorisation, la production de factures téléphoniques par les personnes qui doivent être appelées : « les correspondants des détenus doivent donc pouvoir établir par tout moyen de preuve la réalité de leur numéro où être appelés et ces moyens regardés avec souplesse ». Lorsque le détenu demande à faire modifier la liste des numéros autorisés, l’administration pénitentiaire doit y faire droit le plus rapidement possible, estime Jean-Marie Delarue, qui relève « de trop longs délais » notamment pour autoriser les appels à l’établissement où est hospitalisé le détenu.

Autre critique : « les horaires d’appel sont souvent problématiques ». Ceux-ci ne peuvent en général être effectués que dans la journée de 9 à 17 h 30. Un créneau horaire au-delà duquel les détenus ne peuvent joindre leurs proches qui travaillent. Même constat pour ceux dont la famille se trouve dans les départements d’outre-mer et qui doivent tenir compte du décalage horaire. Le contrôleur général invite donc l’administration pénitentiaire à élargir les horaires d’appel, « en particulier dans la soirée, au moins jusqu’à la prise de service […] de l’équipe de nuit (19 heures ou 20 heures selon les cas) ».

Compte tenu de la hausse des prix des communications locales opérée en 2010 par l’unique opérateur ayant contracté avec l’administration pénitentiaire, Jean-Marie Delarue s’inquiète aussi des conditions d’accès au téléphone, qui, selon lui, doivent être « proches de celles prévalant hors des établissements » (3). S’agissant des personnes démunies, le contrôleur général préconise l’instauration d’un forfait permettant la prise en charge d’un nombre minimal de communications.

En rétention ou en zone d’attente

L’équipement des locaux de rétention administrative les plus ordinaires, souvent installés dans des commissariats de police, ne comprend pas de téléphone. Une situation qui contrevient à l’article R. 553-6, 3° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En pratique, donc, les personnes retenues sont autorisées à utiliser un téléphone de service en présence de fonctionnaires de police. Une solution insatisfaisante au regard du droit au respect de la vie privée et familiale, juge le contrôleur général.

Quant aux centres de rétention et aux zones d’attente, ils comportent, « dans la plupart des cas », les équipements téléphoniques nécessaires. Toutefois, leurs consignes d’utilisation sont « peu diffusées et, généralement, uniquement en langue française ». Or, souligne Jean-Marie Delarue, « les indications relatives à l’achat de cartes (notamment par les représentants de l’Office français de l’immigration et de l’intégration), au paiement des communications, à l’obtention de numéros à l’international devraient faire l’objet de notices rédigées en plusieurs langues et délivrées à l’arrivée dans le centre ou la zone d’attente, même lorsque la durée envisagée de présence est courte ».

Plus généralement, le contrôleur général souhaite que la confidentialité des conversations dans ces structures soit améliorée.

[Avis du 10 janvier 2011, J.O. du 23-01-11]
Notes

(1) Voir ASH n° 2636 du 11-12-09, p. 41.

(2) Voir ASH n° 2623 du 11-09-09, p. 14.

(3) L’administration pénitentiaire prend généralement à sa charge un euro de communication à l’arrivée dans l’établissement afin que les proches des condamnés soient avisés.

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