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La Cour européenne des droits de l’Homme condamne la France pour conditions de détention inhumaines

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Par deux arrêts du 20 janvier, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour ses pratiques pénitentiaires, considérant qu’elles violaient les articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Des conditions de détention inhumaines

Dans la première affaire, « Payet contre France », la Cour reproche à la France d’avoir détenu un prisonnier dans des conditions inhumaines lors de son placement en quartier disciplinaire de la prison de Fleury-Mérogis. En octobre 2007, à la suite de sa deuxième tentative d’évasion, ce dernier avait été placé durant 45 jours dans une cellule qu’il considérait comme impropre à la détention d’un être humain, en raison notamment de sa très petite surface (4,15 m2), de l’absence d’aération et de lumière, de problèmes d’étanchéité et du fait que le seul point d’eau était un robinet donnant directement dans la cuvette des toilettes. Il dénonçait également les possibilités limitées de promenades en extérieur. Ses allégations ayant été confirmées par plusieurs sources (1), la Cour a conclu à la violation de l’article 3 de la Convention, jugeant que les conditions de détention de l’intéressé avaient été « de nature à [lui] causer des souffrances aussi bien mentales que physiques […] ainsi qu’un sentiment de profonde atteinte à sa dignité humaine ». Elle a en revanche refusé de reconnaître des atteintes à sa dignité en raison des rotations de sécurité auxquelles il était soumis (26 au total) et qui consistaient à le changer fréquemment de lieu de détention pour déjouer ses éventuels projets de fuite. Compte tenu du profil, de la dangerosité et du passé du requérant, considéré comme un « détenu particulièrement signalé », la CEDH a estimé que les rotations de sécurité n’étaient pas de nature à violer la Convention.

L’arrêt « Payet » dénonce par ailleurs le fait que le détenu n’a pas pu bénéficier d’un recours effectif devant une instance juridictionnelle lors de son passage en cellule disciplinaire, en violation de l’article 13 de la Convention. La CEDH observe en effet que le recours prévu par le code de procédure pénale n’est pas suspensif, alors même que la mise en cellule disciplinaire est généralement immédiate, et note que le tribunal administratif ne peut être saisi qu’après le directeur interrégional des services pénitentiaires. Au final, le requérant n’était plus en cellule disciplinaire quand un juge était enfin en mesure de statuer sur sa demande. Or, pour la Cour, le recours juridictionnel d’urgence est « indispensable […] afin de contester aussi bien la forme que le fond » de cette mesure disciplinaire. Elle ouvre ainsi la voie au référé pour les détenus et s’oppose à l’interprétation des juridictions administratives françaises, selon lesquelles « la modification temporaire du régime de détention qui résulte d’un placement en cellule disciplinaire ne peut, en l’absence de circonstances particulières, être regardée par elle-même comme constitutive d’une situation d’urgence ».

Des fouilles corporelles injustifiées et dégradantes

Le deuxième arrêt, rendu dans l’affaire « El Shennawy contre France », condamne le régime de fouilles corporelles français auxquelles a été soumis un « détenu particulièrement signalé » dans le cadre de son procès. Celui-ci arguait avoir été victime, lors de chaque extraction vers la cour d’assises, de fouilles corporelles impliquant la dénudation et l’usage de la violence en cas d’opposition. Ces fouilles, perpétrées par des hommes de la force publique cagoulés, étaient en outre filmées. La CEDH a donné raison au requérant, estimant que les fouilles intégrales, répétées et filmées auxquelles il avait été soumis violent l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Selon elle, dans la mesure où les faits d’évasion remontaient à plus de quatre ans et que d’autres mesures de sécurité exceptionnelles avaient déjà été mises en place lors du procès, de telles pratiques n’étaient pas justifiées et « ont pu provoquer chez le requérant un sentiment d’arbitraire, d’infériorité et d’angoisse caractérisant un degré d’humiliation ». L’usage de la cagoule et de la vidéo par les forces de sécurité françaises est également montré du doigt. Rappelons que, depuis les faits de l’espèce, qui se sont déroulés en 2008, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a encadré la pratique des fouilles corporelles, limitant notamment les fouilles intégrales aux cas où la palpation ou l’utilisation des moyens de détection électroniques sont insuffisants (2).

Enfin, la CEDH reproche aux autorités françaises de ne pas avoir donné la possibilité au détenu de contester son traitement par la voie du référé liberté, violant ainsi l’article 13 de la Convention. Une décision contraire à la jurisprudence du Conseil d’Etat français, selon lequel cette question ne relève pas de la juridiction administrative.

[CEDH, 20 janvier 2011, aff. Payet c/France n° 19606/08 et aff. El Shennawy c/France n° 51246/08]
Notes

(1) Y compris par la sénatrice (PS) de l’Essonne, Claire-Lise Campion, qui a effectué une visite des locaux le 19 novembre 2007.

(2) Voir ASH n° 2637 du 18-12-09, p. 50.

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