Recevoir la newsletter

Recherche sur le handicap : « sortir des vaines polémiques »

Article réservé aux abonnés

La « Maison des sciences sociales sur le handicap » installée à Paris début janvier ne sort pas du néant et s’inscrit dans un réseau déjà existant, souligne Philippe Gaberan, directeur de l’ETES (Marvejols) (1). Il réagit ainsi aux propos tenus dans nos colonnes par le chercheur au CNRS Denis Chastenet (2).

« Il est dommage qu’une aussi bonne nouvelle que la création d’une maison pour la recherche et la formation sur le handicap soit gâchée par le choix des arguments avancés par Denis Chastenet. A l’écouter, tout était mauvais dans ce qu’il appelle “l’ancien système”. Selon ses dires, il aurait fallu attendre la loi du 2 janvier 2002 pour que les acteurs du secteur médico-social s’aperçoivent que la personne handicapée a des droits et qu’elle est une citoyenne à part entière. Plus grave, aujourd’hui encore dans les institutions, des personnes en situation de handicap meurent de maladies et de souffrances qui n’ont pas été vues… Et l’explication est encore toute trouvée : “Les professionnels d’aujourd’hui sont formés avec des connaissances du passé et ignorent encore trop le contexte juridique, éthique, technologique et scientifique dans lequel on est entré.” Diantre ! A partir de quelles recherches Denis Chastenet construit-il une telle charge à l’encontre de ce secteur et de ses professionnels ? Ce projet n’est-il pas suffisamment légitime par lui-même, qu’il faille pour le justifier dénier tout ce qui lui a préexisté ? La création de cette “maison” est une bonne initiative et un renfort bienvenu. Encore faut-il qu’elle ne serve pas à nourrir un blocage idéologique qui, en France, sape tout élan créateur et novateur : celui selon lequel aucun savoir ne se constitue comme objet de transmission possible en dehors de l’Université ou qu’aucune recherche digne de ce nom ne peut avoir lieu en dehors d’elle ou des grandes écoles.

Si, comme le dit Denis Chastenet, l’ancien système était organisé de façon à protéger les personnes handicapées du reste du monde, c’est bien parce que le reste du monde n’en voulait pas… et n’en veut toujours pas ! Ainsi, il a fallu plus d’une vingtaine de lois ou de décrets pour instaurer l’obligation légale d’une intégration scolaire des enfants en situation de handicap et celle-ci ne se fait toujours pas, sinon à coup de recours en justice. Rien d’étonnant alors à ce que les professionnels se bricolent une science de leur savoir-faire entre eux ou avec l’aide de quelques personnages suffisamment farfelus pour sortir du strict champ de leur discipline savante et investir leur carrière en ce domaine. Stanislas Tomkiewicz, Lucien Bonnafé, François Tosquelles, Jean Oury, Félix Guattari, Fernand Deligny et quelques autres figures emblématiques de l’éducation nouvelle sont venus jeter les fondements conceptuels d’une pratique que, depuis la fin des années 1980, une génération d’acteurs chercheurs s’emploie à rendre lisibles et visibles. Car les professionnels ont besoin de savoirs vivants et non pas seulement de discours d’amphithéâtre ! C’est la raison pour laquelle, au début, une poignée d’entre eux s’est appropriée cette volonté de mettre en forme, de transmettre et de faire connaître les savoir-faire spécifiques de ce secteur.

Le pari est aujourd’hui en passe de réussir même s’il n’est pas tout à fait gagné. Dans les librairies ont surgi des rayons “travail social” ou “éducation spécialisée”.

Des maisons d’édition telles que érès ou Dunod sont identifiées dans ces champs spécifiques. Des journaux spécialisés, tels que ASH, TSA et Lien social, sans avoir le label “revue” tel que défini par l’Université, sont les voix d’un secteur certes encore fragile parce que désarticulé mais vivant par ses actions, sa pensée et, quoi qu’en disent les puristes, ses recherches.

Alors, pour sortir des vaines polémiques, suffisamment de balises ont été posées ces dernières années pour que l’avenir soit prometteur. La loi de 1998 de lutte contre les exclusions confère aux établissements de formation des activités de recherche.

Il appartient plus que jamais aux acteurs de la formation de poursuivre l’élan impulsé par ce texte. Ce qu’ils font ! La création en 2001 d’une chaire en travail social au Conservatoire national des arts et métiers est venue donner une visibilité à un secteur qui produit bel et bien une discipline particulière même si, comme toutes les autres, elle se nourrit de savoirs empruntés à des champs limitrophes. Enfin, les plateformes régionales de recherche en travail social, nées d’une circulaire de mars 2008, tissent des liens avec des partenaires universitaires et autres. Dès lors, la maison de la recherche vient prendre une place… sa place dans ce réseau déjà existant. »

Notes

(1) Contact : etes.admin@wanadoo.fr.

(2) Voir ASH n° 2691-2692 du 14-01-11, p. 25.

Courrier

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur