« La profession d’assistante de service social apporte à la pratique des soins palliatifs une perspective qui s’insère parfaitement dans la philosophie holistique de ces soins : tant le travail social que les soins palliatifs relèvent d’une éthique d’intervention qui tient compte de l’individu dans sa globalité.
Les missions spécifiques de l’assistante sociale en soins palliatifs sont de quatre ordres :
défendre les intérêts : la profession est fondamentalement vouée à la promotion de la justice sociale et du changement social. En conséquence, je fais valoir les besoins, les décisions et les droits des personnes et de leurs proches. Cette mission implique la promotion de l’autonomie et le renforcement de la capacité des personnes à répondre à leurs propres besoins ;
favoriser la persistance des liens sociaux : je dois permettre d’établir ou de renouer des liens sociaux pour éviter, autant que faire se peut, les phénomènes d’exclusion générés par la maladie. L’objectif est de maintenir le plus longtemps possible le statut social et familial que la personne pouvait avoir auparavant, de l’aider à développer une “stratégie de faire avec la maladie” ;
favoriser l’accès aux avantages sociaux : la maladie vient perturber l’équilibre financier des personnes, elle engendre souvent une baisse des revenus et une augmentation des dépenses. Lorsque envisager la guérison devient impossible, permettre aux patients de vivre dans des conditions acceptables est une priorité. L’accès à l’information sur les droits devient primordial. Cette information doit être claire et extrêmement précise compte tenu du peu de temps dont disposent les malades ;
favoriser le maintien à domicile : la phase palliative de la maladie entraîne fréquemment des difficultés pour gérer le quotidien et majore bien souvent des difficultés déjà existantes. Je facilite le maintien à domicile en aidant à l’organisation logistique et à la coordination des différents intervenants et m’appuie sur un réseau de professionnels pour garantir la cohérence des interventions.
Aujourd’hui près de 70 % des personnes meurent en institution de soin. Pourtant, la prise en charge de la mort ne figure pas explicitement parmi les missions de l’hôpital. Dans le code de la santé publique, elle n’est abordée qu’à partir de questions juridiques particulières, au chapitre des prélèvements d’organes, ou comme un simple mode de sortie de l’hôpital, voire en tant que complication iatrogène, mais jamais en tant que futur inéluctable de l’espèce humaine (1).
L’hôpital moderne fascine parce que les prouesses biomédicales semblent déjouer les fatalités et donnent à l’homme le sentiment de pouvoir maîtriser sa destinée. Ainsi en est-il de la mort médicalisée. Ces avancées ont ainsi permis une meilleure prise en soins des maladies mais aussi de leurs symptômes, et ont amélioré le confort de vie des malades. En soins palliatifs tout particulièrement, elles ont permis de progresser dans les domaines de la qualité de vie, du respect de la personne, de sa dignité, du confort, du soulagement de la douleur. L’Organisation mondiale de la santé définit les soins palliatifs comme “des soins actifs et complets donnés aux malades dont l’affection ne répond plus au traitement curatif. La lutte contre la douleur et les autres symptômes, ainsi que la prise en considération des problèmes psychologiques, sociaux et spirituels sont primordiaux. Ils ne hâtent ni ne retardent le décès. Leur but est de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu’à la mort.” En France, depuis la première circulaire abordant ce sujet en 1986, plusieurs lois sont venues établir les bases juridiques des soins palliatifs.
Le Dr Elisabeth Kubler-Ross a mis en évidence les étapes de deuil que parcourt un homme qui s’approche de la mort, et que traverse la famille qui l’accompagne. Chacune est importante et structure la suivante : le choc, le déni, la colère, la négociation, la dépression et l’acceptation. Ensuite, la personne cesse de lutter avec la réalité qui s’impose à elle. A partir du moment où elle accepte la perspective de la mort, elle entre dans un autre état et il en va de même pour ses proches.
Parallèlement à ces différentes étapes, la maladie évolue. Le patient peut ainsi se trouver en grande vulnérabilité, situation où il vit une atteinte globale de sa personne. Ne pouvant plus exprimer ses désirs et ses besoins, il devient tributaire de l’autre (proche ou professionnel) pour assurer sa simple survie et l’aider dans les actes de la vie quotidienne. Cette relation à l’autre, où l’un, incapable de penser et d’exprimer ses besoins vitaux et ses désirs, va attendre de l’autre cette suppléance, est, de fait, contraignante. C’est là que la vulnérabilité trouve son origine. La dépendance, par son inscription dans le registre du manque, du déficit, de la béance, ouvre dès lors la voie à la vulnérabilité à l’autre.
On oppose souvent au terme “dépendance” celui d’“autonomie”. Or l’autonomie est la capacité de se donner à soi-même les lois de son action. Ainsi, l’autonomie n’est pas l’opposé de la dépendance. Il est plus précis de différencier la dépendance physique, qui laisse une autonomie normale à la personne, et la dépendance psychique, alors synonyme de perte d’autonomie. Cette autonomie est le propre de l’être humain, ce qu’il reste lorsque le corps ne répond plus.
Différentes enquêtes d’opinion montrent que les Français préfèrent mourir à domicile. Mais elles se font parmi une population en bonne santé pour laquelle la mort et la détérioration de l’état physique conservent une certaine abstraction. Il en est tout autrement pour le patient en phase palliative et ses proches.
La signification du domicile est multiple : il s’agit à la fois d’un lieu de vie identitaire, relationnel et historique. Néanmoins, en soins palliatifs, pour être envisagé dans de bonnes conditions, le retour à domicile suppose plusieurs conditions. Des conditions matérielles : il faut que le logement le permette (place suffisante, absence de vétusté) et que l’équipement sanitaire soit suffisant. Mais surtout, vouloir être chez soi implique d’accepter, le plus souvent, que des “étrangers” pénètrent son intimité. Cette présence peut être vécue comme une humiliation en raison de son caractère intrusif. En ce sens, l’institution crée un rapport différent : le patient est accueilli par les soignants. A domicile, il accueille les professionnels dans son espace privé. Ce peut être une chance pour que la personne conserve une plus grande autonomie mais le risque existe également que l’intervenant prenne toute la place. Ce dernier va gagner la confiance de la personne en se laissant accueillir par l’autre et en ne cherchant pas à tout prendre en charge. La personne malade conserve ainsi la maîtrise de sa vie, son autonomie. Enfin, la présence soutenue d’aidants familiaux et de proches est indispensable. Ils assurent 80 % des soins. Il est essentiel d’évaluer leurs craintes et leurs besoins, de les intégrer dans la prise en charge et d’anticiper leur épuisement.
C’est dans la crise de la toute fin de vie, lorsque chacun en sera à la phase d’acceptation du diagnostic, que les relations familiales, d’amitié, pourront trouver un nouvel équilibre, que les confidences et échanges pourront avoir lieu, que de nouveaux projets ensemble verront le jour. Pour que le souhait de mourir à domicile soit réalisable, discutable, il me semble primordial que le patient et ses proches soient dans cette phase.
L’accompagnement repose surtout sur la présence, c’est être avec, et non pas à côté. Une présence vigilante se traduit par une entière disponibilité à l’ici et maintenant, en laissant de côté ses négativités, ses soucis… Cela passe par une rencontre au cours de laquelle peut naître une relation de confiance. Afin de redonner du sens aux projets du patient, différents outils, techniques et savoir-être sont utilisés : écoute empathique au langage verbal et non verbal, disponibilité, humilité, authenticité, non-jugement, soutien, échanges et partages, évaluation, concertation, analyse, information, observation. Il s’agit de poser son regard par-delà les dégradations physiques et psychiques de la personne, mais sans les perdre de vue, sur ce qui ne peut être altéré : son humanité. Accompagner, c’est reconnaître l’autre dans ce qu’il est.
Le travail en soins palliatifs est souvent mis en lien avec l’éthique. Elle apparaît comme un questionnement qui donne à un professionnel ou à une équipe l’occasion de redonner du sens à ses activités. Ainsi en soins palliatifs, la visée est le confort, la qualité de vie du patient.
Le maintien à domicile d’un patient jusqu’à son décès relève d’un défi. Il implique la prise en compte des symptômes physiques, des besoins psychologiques, familiaux, spirituels et financiers. La mise en place d’aides (aide ménagère, à la toilette, soins, télé-sécurité, matériel…) nécessite souvent l’intervention de plusieurs professionnels et services. L’interdisciplinarité est au fondement de la clinique des soins palliatifs.
Une bonne préparation du maintien au domicile implique une bonne communication entre les différents acteurs, dans une approche interdisciplinaire où le rôle de chacun est défini. Une coordination efficace permet ainsi de tendre à respecter le souhait du malade d’être à son domicile dans de bonnes conditions, et est rassurante pour ses proches. Cette coordination est essentielle au vu de la diversité des acteurs, des modes d’intervention et des structures. Elle permet à chaque professionnel de savoir ce qu’il a à faire, d’être respecté dans ses compétences, d’être complémentaire des autres services…
Chaque patient a son histoire, ses attentes, ses souhaits. Bien qu’évidente, il faut toujours avoir cette réalité en tête de façon à accompagner au mieux le patient et ses proches. Chaque cas est singulier et doit donc être accompagné de manière individualisée où chaque geste, action, comportement aura du sens. »
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(1) Voir le rapport de l’inspection générale des affaires sociales sur « la mort à l’hôpital » – Janvier 2010 – Disponible sur