L’ANAS (Association nationale des assistants de service social), comme le Syndicat national des assistants sociaux de l’Education nationale (Snasen)-UNSA (1), s’était à la fois élevée contre les présupposés « sécuritaires » et contre les dispositions de la proposition de loi d’Henriette Martinez (UMP) « sur le suivi des enfants en danger par la transmission des informations », qui vient d’être adoptée en première lecture par les députés (voir ce numéro, page 11). Son objectif : permettre au conseil général, en cas de déménagement d’une famille faisant l’objet d’une mesure au titre de la protection de l’enfance ou d’une information préoccupante, de transmettre les éléments la concernant au département d’accueil, en recueillant le cas échéant sa nouvelle adresse auprès de la caisse primaire d’assurance maladie ou de la caisse des allocations familiales.
Selon l’ANAS, la version initiale du texte laissait « supposer qu’aucun dispositif ne fonctionne actuellement, alors qu’en cas de danger, le procureur de la République peut être saisi pour une intervention rapide en vue d’obtenir une mesure de protection ». Par ailleurs, « il existe un dispositif d’alerte et de diffusion national entre les services sociaux dès lors qu’une famille déménage sans laisser d’adresse et qu’un risque est avéré ». L’association précise également qu’en matière de protection de l’enfance et de prévention, « les familles ne sont pas suivies mais accompagnées dans le cadre d’un plan d’aide négocié et accepté » par ces dernières. Deux situations sont possibles lorsque la famille ne collabore pas, relève-t-elle : si le danger n’est pas avéré, aucun élément ne permet de justifier d’intervenir, et dans le cas contraire, une mesure de protection judiciaire s’impose.
Un amendement du gouvernement – le seul adopté en séance publique – répond en partie aux remarques de l’association. Il stipule en effet que le président du conseil général « peut » saisir les organismes locaux d’assurance maladie ou les caisses d’allocations familiales quand il n’a pas les données nécessaires, mais que cette nouvelle possibilité intervient en complément de son obligation de saisir l’autorité judiciaire quand l’interruption de la prise en charge ou du traitement de l’information préoccupante met l’enfant en danger. Il précise par ailleurs les cas dans lesquels intervient cette transmission entre conseils généraux et dont les modalités devraient être définies par un décret en Conseil d’Etat, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Lors de la discussion de la proposition de loi, Patricia Adam, députée du Finistère (groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), par ailleurs présidente du Groupement d’intérêt public « enfance en danger » (GIPED), a approuvé l’amendement gouvernemental, qui a d’ailleurs repris ses propositions. Elle a néanmoins regretté que les décrets d’application de la loi du 5 mars 2007 sur l’information préoccupante tardent à paraître (l’un sur la transmission des informations vers les observatoires, l’autre sur la transmission entre conseils généraux), « ce qui a justifié la proposition de loi de Mme Martinez », et s’est interrogée sur l’opportunité d’une nouvelle loi. Après avoir assuré que la circulation des informations préoccupantes « se fait dans d’excellentes conditions », elle a indiqué, abondant dans le sens des professionnels, que « très peu de familles connues et suivies déménagent sans laisser d’adresse », les rares cas existants étant signalés au procureur. Pour Didier Dubasque, vice-président de l’ANAS, « le pire a été évité » dans la version du texte adopté, même s’il déplore toujours « une logique de pistage » et craint des dérives selon l’interprétation du texte par les conseils généraux. Il dénonce, en outre, « une loi d’affichage sans moyens, qui a tendance à faire peser la responsabilité du risque sur les travailleurs sociaux ».