Septembre 2010 : Didier Poupardin, médecin généraliste à Vitry-sur-Seine, passe devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Créteil. Il est poursuivi par la direction de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne pour non-respect du principe de l’ordonnance « bizone » (1). Médiatisée, l’affaire entraîne un mouvement de soutien où se joignent de nombreux médecins « indignés », qui, eux aussi, « bidouillent avec l’assurance maladie pour donner accès au maximum de traitements à tous les malades ». Ainsi, Didier Ménard, vice-président du Syndicat de la médecine générale, dont le cabinet est installé au milieu de la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), avoue ne pas respecter non plus l’ordonnance « bizone », et même utiliser, pour des familles en difficulté, « la carte Vitale du membre de la famille qui a la meilleure couverture sociale ».
Cette indignation débouche aujourd’hui sur un « Manifeste des médecins solidaires » (2), déjà signé par 120 praticiens, dont l’objectif principal est de « résister aux consignes de restriction de l’accessibilité des soins ». Dénonçant « la campagne de culpabilisation » menée à l’égard de médecins et des malades, « accusés de dépenser trop », les signataires s’opposent aux mesures dites de « responsabilisation » qui ont comme conséquence d’augmenter le reste à charge. S’inscrivant dans un « mouvement de résistance civique », ils exigent « tant un accès égal pour tous à des soins de qualité que des soins respectueux de la personne humaine, qui ne peut être découpée en “pathologies”, ni marchandisée et être l’objet de profits ». Jacqueline Fraysse, cardiologue à Argenteuil (Val-d’Oise) et députée (PC) des Hauts-de-Seine, estime que le système de santé français – « soi-disant le meilleur du monde » – subit une dégradation « nette et accélérée ». Comme les autres signataires, elle réfute l’analyse selon laquelle le déficit de la sécurité sociale serait dû à un excédent des dépenses. « Celui-ci est avant tout dû à un manque de ressources qui, de notoriété publique, est lié à la baisse de la masse salariale – qui creuse les inégalités – et à la dette impayée », affirme Didier Poupardin.
(1) Les ordonnances « bizone » – c’est-à-dire divisées en deux par un trait horizontal – sont destinées aux patients en affection de longue durée (ALD). En haut, le médecin n’est censé n’inscrire que les médicaments en rapport avec l’ALD, remboursés à 100 %, et au-dessous doivent figurer les autres médicaments dont le malade a besoin, sans rapport avec cette pathologie, remboursés au taux habituel.
(2)